J.-Claude Dupont (1934–2016)

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31 mai 2016 | 

Michel Lessard rend un vibrant hommage à Jean-Claude Dupont (1934–2016)

Tous les jours de ma vie, mon âme sourit en pas­sant devant une séri­gra­phie de Jean-Claude Dupont accrochée sur un mur de cor­ri­dor, voisi­nant des œuvres de Claude Pich­er et de Luci­enne Cor­net notam­ment, de grands artistes pro­fes­sion­nels. Ses Lutins des îles imprimés sur du papi­er Saint-Gilles, un cadeau de sa part, m’emportent tou­jours dans la fan­taisie et le rêve de nos con­tes et de nos légen­des, enrac­inés dans la terre de France et la cul­ture pop­u­laire de nos aïeux instal­lés en sol d’Amérique depuis plus de qua­tre siè­cles. Jean-Claude m’est tou­jours apparu comme un immense explo­rateur de l’âme québé­coise, d’un Québec qui intè­gre l’Acadie où j’ai enseigné et les fran­coph­o­nes dis­séminés dans cette vaste Nou­velle-France per­due aux mains des Anglais, mais tou­jours bien vivante aujourd’hui, mal­gré de gros nuages, dans une société mod­erne ouverte sur le monde. Jean-Claude demeure un vul­gar­isa­teur décidé et généreux dans la manière de nous dire, de nom­mer nos goûts et notre manière, d’affirmer des pans notre iden­tité.

Pour moi, his­to­rien de for­ma­tion avec une mineure en soci­olo­gie et en anthro­polo­gie, cette pas­sion pour l’ethnohistoire débute avec Jean-Claude Dupont qui devien­dra mon tuteur aux études de troisième cycle, dans les années 1980. Ses pub­li­ca­tions sur la Beauce de mes ancêtres, sur le temps des sucres partagé chaque print­emps dans l’érablière famil­iale à Saint-Jules, , sur l’ethnographie du pain de ménage de ma tante Aimée et surtout sa remar­quable étude du méti­er de forg­eron d’Émile Asselin de Saint-François de l’île ou de Basile Routhi­er de Saint-Charles de Bel­le­chas­se, m’ont totale­ment séduit et sont dev­enues pour moi des mod­èles d’analyse com­plète et d’enquête. Ce n’est donc pas avec les Bar­beau, les Lacour­cière, les Palardy, les Séguin que ma pas­sion du Québec et de sa cul­ture matérielle s’est révélée, mais avec le maître et ami Dupont. Gas­ton Dulong en eth­no­lin­guis­tique, Jean DuBerg­er cet ani­mal du con­te et de la légende, le père Benoit Lacroix, dans l’apprentissage de la mod­éra­tion de mes appétits, de la mod­estie, et du Moyen-Âge, ont été d’autres sources d’inspiration. J’aurais aimé devenir l’élève de tout ce beau monde, comme celui de Socrate, de Pla­ton et des clas­siques latins. Mais j’en ai eu d’autres qui m’ont fait pro­gress­er vite, l’architecte-urbaniste Gilles Vilan­dré, le cinéaste Fer­nand Dansereau et Iolande Rossig­nol et tous mes col­lègues pro­fesseurs émérites du Départe­ment d’Histoire de l’art de l’UQAM.

Jean-Claude a touché à tout, seul ou avec ses nom­breux étu­di­ants de deux­ième ou de troisième cycle. Dans les années 70 et 80 , il était partout. Les diplômes d’études avancées pleu­vaient par dizaines, nour­ris­sant une muséolo­gie en plein élan et un min­istère de la Cul­ture en envolée. Les pub­li­ca­tions étaient des best-sell­ers et tout le monde ratis­sait les cam­pagnes pour se dénich­er un domaine ou une trace matérielle du passé. L’époque était à l’affirmation iden­ti­taire et à la fierté nationale d’avoir inven­té un pays à com­pléter. Dupont a été un raf­fineur de car­bu­rant de cet éveil pop­u­laire, vite mis en image pour la télévi­sion. Le pro­fesseur Dupont a ouvert mille pistes à explor­er.

Jean-Claude était un immense pro­fes­sion­nel sans pré­ten­tion, plein d’humour, mais rigoureux dans ses enquêtes et ses analy­ses et pas du tout avare de ses décou­vertes. L’Université Laval lui doit une pro­fonde recon­nais­sance et devrait rap­pel­er son nom sur le cam­pus puisqu’il incar­ne une époque de fierté nationale et de con­nais­sance pro­fonde de notre per­son­nal­ité enrac­inée.

Je salue sa mag­nifique com­pagne, Jeanne Pomer­leau de Saint-Sévérin, une pré­cieuse col­lab­o­ra­trice de tous les instants et elle-même une mag­nifique eth­no­logue comme en témoignent ses pub­li­ca­tions fouil­lées et acces­si­bles. Son fils Luc, un mag­nifique pro­fes­sion­nel des com­mu­ni­ca­tions qu’on souhaite voir ray­on­ner au Québec.

À toute la famille de Jean-Claude Dupont, à ses proches col­lab­o­ra­teurs, à ses dis­ci­ples, j’offre mes plus sincères con­doléances. Que Dieu ait son âme, qu’il repose en paix, il a bien tra­vail­lé.

Michel Lessard

Image à la Une : Jean-Claude Dupont. Pho­to : La Presse 

2 commentaires

  1. Mon priv­ilège d’ap­pré­ci­a­tion de ce Grand Berger,beauceron de sur­croît, est d’avoir depuis des décen­nies dépos­er des cen­taines d’ex­em­plaires de ses œuvres dans des chan­cel­leries et uni­ver­sités à tra­vers le monde.
    Sans oublier,va de soi,les tables accueil­lantes où je remer­ci­ais les hôtes en leur offrant ces tré­sors de sen­si­bil­ité et de fierté!
    Gilles Clouti­er

  2. J’ai eu le bon­heur de tra­vailler avec M.Jean-Claude Dupont dans les années 1975 à 1979.
    Que de beaux et bons sou­venirs entre beaucerons…
    Je vous salue bien bas cher col­lègue!

    Bertrand Clouti­er

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