Le devenir du ‘petit’ patrimoine religieux

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2 août 2017  | Le devenir du ‘petit’ patrimoine religieux

Il se trou­ve dans mon coin de pays une chapelle qui ne sert plus de lieu de culte comme elle l’a fait pen­dant ses quelque 70 ans d’existence. L’édifice, dont la con­struc­tion date de 1948, est en excel­lent état. Elle a fière allure du haut de la Pointe-aux-Orig­naux, non loin du quai de Riv­ière-Ouelle. Aujourd’hui, la com­mu­nauté locale, tant saison­nière que per­ma­nente, est acculée au pied du mur à devoir lui trou­ver une nou­velle voca­tion. Que faire en effet d’un lieu dont l’usage pour lequel il a été créé ne cor­re­spond plus aux us et cou­tumes des con­tem­po­rains qui la voisi­nent ? Ce n’est pas la pre­mière fois dans l’histoire de l’humanité que se pose ce type de prob­lème. Qu’on songe à quelques cathé­drales d’Europe, aux tem­ples grecs de la Méditer­ranée ou encore aux pyra­mides d’Égypte qui, heureuse­ment, à notre époque ont trou­vé une nou­velle rai­son d’être en répon­dant aux besoins du tourisme cul­turel mon­di­al.

Il s’agit en fait, à l’échelle micro, d’un prob­lème auquel la société québé­coise, avec ses héritages religieux, doit aus­si faire face. J’aimerais partager une expéri­ence locale qui pour­rait inspir­er, sur une plus grande échelle, un proces­sus à la fois de deuil et de renais­sance que tout élé­ment du pat­ri­moine impose à ses héri­tiers, que le legs soit désiré ou non. Dans toute cette affaire, il y a une respon­s­abil­ité vis-à-vis ceux et celles qui nous ont précédés et à laque­lle on ne peut pas non plus se sous­traire face à la généra­tion mon­tante qui pour­rait, éventuelle­ment, revendi­quer un droit d’héritage qu’elle pour­rait, un jour, faire val­oir comme un don ances­tral qui lui était dû. C’est à cette croisée des chemins que se trou­ve la petite chapelle Notre-Dame-de‑l’Assomption dans Kamouras­ka avec un passé pétri de tra­di­tions, un présent plutôt incer­tain et, à l’horizon, un avenir devant être mieux défi­ni par et pour ses usagers poten­tiels.

C’est dans ce con­texte que la desserte de la chapelle qui relève du diocèse, Église de Sainte-Anne, a engagé avec le con­cours de la MRC de Kamouras­ka et la Munic­i­pal­ité de Riv­ière-Ouelle une action de con­sul­ta­tion publique à tra­vers une préséance de débrouil­lage avec les pre­miers intéressés, c’est-à-dire les voisins immé­di­ats de la chapelle et la com­mu­nauté riv­eloise de prox­im­ité. Lors de cette tem­pête d’idées menée en mai 2016, cinq (5) ori­en­ta­tions ont été dégagées par les com­met­tants pour lui trou­ver un usage d’avenir, soit une mai­son com­mu­nau­taire mul­ti-ser­vices, la sauve­g­arde du bâti­ment en lui-même comme forme archi­tec­turale à con­serv­er, un lieu dédié au renou­veau spir­ituel, un cen­tre d’interprétation de la nature et de la cul­ture ou encore un pôle de créa­tion d’art actuel. Par­tant de ces cinq thèmes, une expo­si­tion a récem­ment été réal­isée in situ, soit dans la chapelle même, dans le but explicite de faire réa­gir le pub­lic et engager en quelque sorte un dia­logue avec lui en invi­tant les vis­i­teurs à répon­dre à la ques­tion : qu’envisagez-vous comme nou­velle voca­tion pour ce lieu au passé religieux afin de lui don­ner une sec­onde vie ? Choisir, en somme, une des cinq avenues pos­si­bles ou encore pro­pos­er un mélange de ces dernières qui ont la capac­ité de lui offrir un devenir ? C’est ain­si que, depuis le 24 juin dernier, en présen­tant au pub­lic l’exposition ITE MISSA EST, nous avons fait le pari de réfléchir col­lec­tive­ment sur ce que pour­rait devenir cette chapelle solide­ment implan­tée sur le roc et faisant out­rageuse­ment face au majestueux Saint-Lau­rent.

Débat de société, grande ou petite

De ce proces­sus de con­sul­ta­tion publique, nous espérons dans les faits pou­voir, à terme, définir un usage qui répond à un véri­ta­ble besoin dans le milieu. Que ce soit à des fins touris­tiques ou plus spé­ci­fique­ment locales, nous souhaitons vive­ment que la com­mu­nauté riv­eloise puisse prof­iter, directe­ment ou indi­recte­ment, de cet acquis du pat­ri­moine col­lec­tif qui saura la redy­namiser. Cette chapelle est en soi un défi pour la pop­u­la­tion qui doit la faire renaître sous une nou­velle forme avec une voca­tion nou­velle­ment dédiée au bien-être du plus grand nom­bre. C’est en ce sens que nous tablons sur l’intelligence col­lec­tive, à tra­vers une activ­ité d’enquête par l’exposition par­tic­i­pa­tive où chaque vis­i­teur est invité à don­ner son point de vue que nous con­signons pré­cieuse­ment avant de pou­voir l’intégrer à un exer­ci­ce de syn­thèse qui se fera plus tard cet automne.

Au final, c’est en trois étapes que nous envis­ageons trou­ver une voie d’avenir à ce bâti­ment com­mu­nau­taire. Une pre­mière de mise à plat du prob­lème (1. Que faire d’un pareil héritage?) à tra­vers l’exposition publique. Puis, une sec­onde, celle de la cueil­lette des opin­ions exprimées par les vis­i­teurs (même via Face­book) qui don­nent généreuse­ment leur opin­ion alors qu’ils se sen­tent inter­pel­lés par un pos­si­ble usage d’avenir (2. Quoi faire aujourd’hui de ce bien hérité du passé ?). Et enfin, une dernière étape d’articulation d’un pro­jet col­lec­tif (étude de fais­abil­ité) sur la base des don­nées col­lec­tées qui devraient per­me­t­tre de définir les con­tours de ce que sera la chapelle trans­for­mée en un lieu au ser­vice du mieux-être com­mun qui adoptera néces­saire­ment un pro­fil sin­guli­er (3. Com­ment le faire pour l’avenir du bâti­ment en réponse à un désir citoyen?).

Pour notre Comité Ad hoc, il s’agit d’une méth­ode franche­ment citoyenne qui prend en compte ce que pense la col­lec­tiv­ité con­cernée à la hau­teur et à la faveur des besoins à combler qu’elle a, par ailleurs, la respon­s­abil­ité d’identifier. Cette aven­ture mobilise un cer­tain nom­bre de rési­dents aux­quels se mêlent des gens de pas­sage (touristes) qui veu­lent bien partager une vision renou­velée des lieux. C’est avec la moti­va­tion d’aboutir avec un pro­jet sin­guli­er et orig­i­nal qui saura se démar­quer dans l’offre des ser­vices com­mu­nau­taires, qu’ils soient de nature cul­turelle, éduca­tive, touris­tique, spir­ituelle, esthé­tique ou même sportive. En somme, à l’échelle humaine, il n’y a pas de petit pat­ri­moine. Il n’y a que le pat­ri­moine oublié ou ignoré qui, pour de mau­vais­es raisons, ne réus­sit pas sa réin­ser­tion sociale. Au fond, c’est une sim­ple ques­tion de recy­clage socié­tal.

 

Philippe Dubé, pro­fesseur de muséolo­gie, Uni­ver­sité Laval, et mem­bre du Comité Ad hoc de la chapelle de Riv­ière-Ouelle

La pho­togra­phie de la chapelle de Riv­ière-Ouelle est de Léonie Lévesque, Par­cours Fil rouge inc., juil­let 2017.

Dépli­ant de l’ex­po­si­tion “ITE MISSA EST”