Le jeu de gorge inuit : un patrimoine des plus original

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7 sep­tem­bre 2016 | En 2014, le gou­verne­ment québé­cois a désigné un pre­mier élé­ment du pat­ri­moine immatériel. Le Kata­j­janik ou jeu vocal inu­it (jeu de gorge) souligne une pra­tique autochtone mil­lé­naire, par­mi les Inu­its, et met en lumière un pat­ri­moine orig­i­nal adap­té à son envi­ron­nement. Regard sur cette pra­tique unique en Amérique.

Le Kata­j­janik

Les pre­miers blancs qui ont enten­du les Inu­its pra­ti­quer le Kata­j­janik ont qual­i­fié ces bruits de chants de gorge, de chants haletés ou de chants gut­turaux. Cepen­dant, à la suite d’études sci­en­tifiques, des eth­no­mu­si­co­logues sug­gèrent les ter­mes « jeu vocal » ou « jeu de gorge ». L’accent est ain­si mis sur l’aspect ludique, plutôt que musi­cal, de l’activité. Les jeux de gorge ont un car­ac­tère com­péti­tif tan­dis que la musique se com­pose d’une suc­ces­sion de sons organ­isés selon des règles artis­tiques. Ain­si définie, la musique inu­ite est basée sur des per­cus­sions.

His­torique

L’origine du jeu n’est pas con­nue. Il date d’une époque où les hommes par­taient à la chas­se pen­dant de longues péri­odes. Au cours des soirées en com­mu­nauté, les femmes ont peut-être com­mencé à fre­donner et à émet­tre des sons et d’autres y auraient coor­don­né leur voix.

Longtemps, les prêtres ont dis­suadé les Inu­ites de pra­ti­quer leur art tant et si bien qu’il était presque dis­paru de la sphère publique. Toute­fois, le jeu vocal con­nait un renou­veau impor­tant grâce à l’intérêt man­i­festé par les jeunes Inu­ites pour leur cul­ture et leurs tra­di­tions.

Le jeu de gorge est aus­si pra­tiqué dans d’autres régions du monde notam­ment au Tibet, en Mon­golie et en République de Tou­va. Pour leur part, les Inu­its for­ment un peu­ple se com­posant de plusieurs sous-groupes. Le Kata­j­janik a ain­si de mul­ti­ples appel­la­tions et décli­naisons. C’est l’un des très rares exem­ples de chant diphonique féminin, et le seul sur le con­ti­nent améri­cain, pra­tiqué unique­ment par­mi les Inu­ites du Cana­da.

Un jeu

Les jeux vocaux sont pra­tiqués par deux femmes, placées face à face, et se ten­ant les épaules. L’activité s’arrête lorsque l’une des par­tic­i­pantes est à bout de souf­fle ou rit. Les joueuses sont méri­tantes pour la qual­ité des sons pro­duits et pour leur endurance. À l’occasion, des élé­ments de dif­fi­culté, tels que s’accroupir et remon­ter tout en exé­cu­tant le jeu de gorge s’ajoutent. Le souf­fle et l’endurance physique sont mis à l’épreuve. Pen­dant la com­péti­tion, les joueuses peu­vent faire des petits pas de danse ryth­mique. Les chanteuses pro­duisent des sons et en aspi­rant et en expi­rant.

Le jeu de gorge racon­te une his­toire sans mots recon­naiss­ables, mais en jouant sur les émo­tions. Les con­cur­rentes intro­duisent par­fois la chan­son en don­nant un som­maire de ce qu’elle représente, puis elles se lan­cent dans les rythmes de la terre. C’est aus­si une imi­ta­tion de la nature envi­ron­nante. Le réper­toire est vaste et com­prend les cris des ani­maux, les sons humains, le bruit du vent et d’autres.

Les jeunes garçons par­ticipent aux jeux vocaux sans attein­dre l’expertise des femmes. La tra­di­tion inu­ite amène les garçons à se joignent aux hommes dès qu’ils sont en âge de chas­s­er.

Pat­ri­moine unique

La demande d’inscription est venue de l’Insti­tut cul­turel Avataq. Pour être recon­nu, le pat­ri­moine immatériel doit être une pra­tique, une expres­sion ou un savoir-faire trans­mis par des por­teurs de tra­di­tion. La pra­tique du jeu vocal inu­it se per­pétue par­mi les 14 com­mu­nautés du Québec. L’Institut s’est aus­si engagé à mieux faire con­naitre cette activ­ité tra­di­tion­nelle.

Chez les Inu­its, les ainés pro­tè­gent et per­pétuent l’expérience cul­turelle. Les jeunes Inu­ites appren­nent le jeu de gorge de leurs grand-mères ou de leurs mères, ou même grâce à un pro­gramme cul­turel tel que le Makkuk­tut Sangik­tilir­put. Les jeunes adhérentes peu­vent y appren­dre le jeu de gorge puis par­ticiper à des événe­ments com­mu­nau­taires et même à l’extérieur.

Bil­let pub­lié le 9 févri­er 2014. Avec la per­mis­sion de Diane Joly Art, his­toire et pat­ri­moine
Image à la Une : Les chants de gorge inu­its sont un bon exem­ple de pat­ri­moine immatériel.
Pho­to: Paul Chi­as­son, archives PC

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