Colloque international Présence de Marius Barbeau — L’invention du terrain en Amérique française — Autour d’un legs centenaire (1914–2014).
Plus d’une quarantaine d’ethnologues et autres spécialistes en provenance du Québec, de l’Ontario, de l’Acadie, de la France et des États-Unis ont participé à ce colloque. Ils y ont présenté les résultats de leurs recherches dans les champs de la littérature orale, de la musique, de la culture matérielle, sans oublier les méthodes de recherche sur le terrain, les techniques d’archivage et leur interprétation, en référence à l’influence de Marius Barbeau sur leurs travaux.
Compte rendu du colloque et résumé des communications…
Compte rendu du Colloque international Présence de Marius Barbeau — L’invention du terrain en Amérique française — Autour d’un legs centenaire (1914–2014), tenu au Domaine Forget, 2 au 5 octobre 2014.
Ce colloque fut organisé par la Société québécoise d’ethnologie (SQE), la Société d’histoire de Charlevoix et le Centre de recherche sur l’histoire et le patrimoine de Charlevoix en partenariat avec la Chaire de recherche du Canada en oralité des francophonies minoritaires d’Amérique (Cofram — Université Sainte-Anne). Il a réuni plus d’une quarantaine de spécialistes en provenance du Québec bien sûr, mais également de l’Ontario, de l’Acadie, de la France et des États-Unis. Ces ethnologues et autres spécialistes sont venus présenter les résultats de leurs recherches dans les champs de la littérature orale, de la musique, de la culture matérielle, sans oublier les méthodes de recherche sur le terrain, les techniques d’archivage et leur interprétation, en référence à l’influence de Marius Barbeau sur leurs travaux, comme on le verra dans la présentation des communications.
Cet événement soulignait, en même temps que l’invention de la tradition orale comme discipline scientifique, le trentième anniversaire de la Société d’histoire de Charlevoix qui accueillit les participants au Pays des gourganes du 2 au 5 octobre 2014 sur le site enchanteur du Domaine Forget à Saint-Irénée dans la belle région de Charlevoix au Québec. Comme le mentionnait Jean-Pierre Pichette, le président de la SQE à la fin de cette rencontre mémorable :
« Les échos qui nous parviennent, tant des intervenants que des participants au colloque que nous venons de consacrer à Marius Barbeau, sont généralement louangeurs et montrent bien que tout le monde semble avoir profité des rencontres faites durant ces trois jours.
Il faut dire que la qualité des intervenants et de leurs interventions n’est pas étrangère à cette réaction favorable. Aussi, je me dois de remercier ici chacun de vous qui vous êtes engagés à présenter une communication et qui avez tenu parole. Je réitère aussi ma reconnaissance envers les personnes qui ont collaboré de plus près à la tenue de ce colloque, notamment les membres du comité scientifique et organisateur :
messieurs Serge Gauthier, du Centre de recherche sur l’histoire et le patrimoine de Charlevoix, et Christian Harvey, de la Société d’histoire de Charlevoix, qui en ont été les initiateurs, les artisans et les hôtes ; messieurs Jean Simard et Bertrand Bergeron, de la Société québécoise d’ethnologie et de la revue d’ethnologie de l’Amérique française Rabaska, qui m’ont personnellement assisté dans sa programmation. »
Les textes des exposés seront publiés. Les membres en règle de la Société québécoise d’ethnologie en seront avisés. Si vous n’êtes pas membre, vous pouvez le devenir en suivant les modalités indiquées sur notre site web en cliquant ici.
Ce colloque a été rendu possible grâce aux généreux partenaires suivants : le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, le Secrétariat des affaires intergouvernementales canadiennes du Québec, les partenaires de l’Entente de développement culturel de la MRC de Charlevoix-Est et le ministère de la Culture et des Communications du Québec, la Société québécoise d’ethnologie (SQE), la Société d’histoire de Charlevoix, le Centre de recherche sur l’histoire et le patrimoine de Charlevoix et la Chaire de recherche du Canada en oralité des francophonies minoritaires d’Amérique (Cofram — Université Sainte-Anne).
Présentation
En 1914, l’anthropologue Marius Barbeau (1883–1969), jusqu’alors voué à l’étude des autochtones de l’est du Canada, commence à s’intéresser aux traditions orales des populations françaises du Québec et du Canada. La région de Charlevoix constitue un des premiers lieux d’enquête sur le terrain du chercheur. Ce tournant devait s’avérer marquant pour l’institution des études en ethnologie du Canada français. Aussi, le colloque, qui s’est tenu au Domaine Forget de Saint-Irénée, au cœur même de la région de Charlevoix, est-il l’occasion de souligner ce centenaire et de mesurer le chemin parcouru par ce pionnier. L’impact qu’il eut sur l’évolution de ce champ de recherche, notamment sur les régions privilégiées et sa reconnaissance en milieu universitaire, est aussi à l’ordre du jour.
Problématique
Chez Marius Barbeau, l’enquête orale représente un exercice indispensable. Ses recherches impliquent au préalable un séjour sur le terrain afin de se documenter auprès d’informateurs. Mais le chercheur ne se laissait pas aller à une démarche d’enquête hasardeuse. Avant même de s’y retrouver, il avait réfléchi sur les régions qu’il visitait, il connaissait leur histoire, leurs traditions, et il voulait enrichir un champ presque neuf de connaissances, alors appelées folkloriques. C’est ainsi qu’il a pu documenter des pans importants de la tradition orale des Français d’Amérique, et ses découvertes, notamment dans le domaine de la chanson et du conte dont il est un pionnier incontestable, tiennent d’une démarche véritablement scientifique qui suscite encore aujourd’hui l’admiration par son étendue et sa profondeur. L’héritage patrimonial qu’a constitué et diffusé Marius Barbeau durant plus d’un demi-siècle est-il maintenant d’un autre âge ? En quoi sa méthode de recherche a‑t-elle renouvelé les connaissances en patrimoine, tant dans le domaine de l’oralité que dans les autres composantes de la tradition ? Sa quête de traditions orales auprès des Français d’Amérique a‑t-elle eu des suites durables ? Qui sont ses héritiers et que reste-t-il de son héritage ? Le cadre régional qu’il a utilisé est-il encore pertinent ? La tradition orale française suscite-t-elle encore l’intérêt des chercheurs de nos jours ?
Autant de questions auxquelles ce colloque souhaite répondre et qui déterminent les principaux axes retenus.
Marius Barbeau, le chercheur, sa méthode et ses découvertes. Quel était l’état des connaissances en amont de Marius Barbeau ? Comment mesurer sa contribution dans les genres de la littérature orale qu’il a privilégiés (contes et légendes, rimes et chansons), et dans les autres domaines qu’il a touchés ? Que lui a apporté le terrain, et particulièrement l’enquête orale directe, comme source de savoir ? Que valent aujourd’hui ses travaux ?
Qui sont les héritiers de Marius Barbeau ? Qui sont ceux qu’il a lui-même mobilisés et ceux qui s’en réclament ? Quel impact ses collectes et ses études ont-elles eu sur la diffusion du patrimoine oral et sur la recherche actuelle en ethnologie ? Que reste-t-il maintenant du travail de terrain accompli par ce précurseur, notamment dans le domaine de la chanson et du conte ?
Depuis Marius Barbeau, quelle est la pertinence de la région comme lieu d’enquête en tradition orale des Français d’Amérique ? Au Québec (Beauce, Saguenay, Bas-Saint-Laurent et le cas de la région de Charlevoix qui sera exploré plus spécifiquement), au Canada (Acadie, Nord de l’Ontario, Ouest canadien) et aux États-Unis (Louisiane notamment) ?
Comité scientifique et organisateur
Serge Gauthier, Centre de recherche sur l’histoire et le patrimoine de Charlevoix Jean-Pierre Pichette, Université Sainte-Anne et Société québécoise d’ethnologie Jean Simard, Société québécoise d’ethnologie Bertrand Bergeron, Rabaska, revue d’ethnologie de l’Amérique française Christian Harvey, Société d’histoire de Charlevoix
Le vendredi 3 octobre 2014
10h00-10h30 Pause
12h00-13h00 Dîner en commun
13h00-14h30
14h30-15h00 Pause
15h00-16h30
16h30-18h00 Cinquième séance : Table ronde I – Nos traditions à l’Université
Président de séance Jean-Pierre Pichette
Le samedi 4 octobre 2014
10h00-10h30 Pause
12h00-13h00 Dîner en commun
14h30-15h00 Pause
19h00-19h30 Lancement d’ouvrages en ethnologie et sur Charlevoix
19h30-21h30 Banquet Repas du terroir de Charlevoix : Au pays des gourganes
Le dimanche 5 octobre 2014
10h00-14h00 Excursion sur les traces des enquêtes de Marius Barbeau (Repas inclus au Relais des Hautes-Gorges)
14h00 Retour et fin du colloque
Résumés des communications
Apetrei, Amelia Elena [Université de Montréal] Barbeau et les contes : une perspective littéraire En 1916, Marius Barbeau commençait la publication dans The Journal of American Folk-Lore d’un corpus de contes du Québec, recueillis par lui-même auprès de paysans conteurs illettrés. C’était une démarche originale, car le grand anthropologue refusait la réécriture – pratiquée habituellement par les écrivains – en faveur d’une transcription « scientifique » des paroles des conteurs. Selon Barbeau, ces contes étaient un vrai trésor linguistique et folklorique : on y découvrait « le parler français ancestral pur et intact » ainsi que le « folklore de la France au temps de Richelieu ». Par ailleurs, ces contes – ainsi protégés contre toute intervention déformante – trouvent leur spécifique dans une hybridité surprenante : le schéma du conte y rejoint celui du récit d’aventures et les motifs « mythologiques » s’actualisent pour faire apparaître non pas le monde de l’époque de Richelieu, mais bel et bien celui des chasseurs et des coureurs des bois canadiens-français.
Belly, Marlène [Université de Poitiers] Marius Barbeau, Patrice Coirault : de démarches pionnières en voies/voix de maîtres En 1914, Marius Barbeau se lance dans la collecte des traditions orales des populations françaises du Canada. Cette même année, Patrice Coirault achève celle conduite sur l’Hexagone en Deux-Sèvres et Béarn autour de la chanson traditionnelle. Deux hommes, deux œuvres qui, de manière indéniable, ont marqué les recherches autour de la littérature orale. En s’en tenant au genre chanson de transmission orale, le propos mettra en regard les démarches de ces deux ethnologues. Il situera l’acte de collecte au cœur d’une réflexion scientifique et en précisera les apports tout autant distincts que complémentaires. Si ces deux pionniers ont largement ouvert la voie d’une anthropologie des faits musicaux alors naissante, il importera, également, de positionner leurs travaux dans la contemporanéité du champ disciplinaire.
Bénéteau, Marcel [Université de Sudbury] Marius Barbeau et la chanson traditionnelle française En 1918, Marius Barbeau recueillait Le Berger Colin, chanson oubliée en France et venue, selon lui, avec les colons du bas Saint-Laurent où « elle allait bientôt s’endormir de son dernier sommeil ». Il ne pouvait savoir que, soixante-quinze ans plus tard, elle serait toujours chantée sur les rives de la rivière Détroit, plus de mille kilomètres en amont du lieu de son éternel repos. Loin d’être le premier (ou le dernier) folkloriste à croire qu’il saisissait au dernier moment notre héritage du bord du néant, Barbeau semble avoir eu une conception particulièrement idéaliste de la chanson traditionnelle. Son œuvre monumentale et incontournable sur la chanson est néanmoins tissée de notions médiévalistes et préoccupée par la reconstitution des « chansons originales » par l’entremise de versions critiques. Cette communication propose d’examiner la conception de la chanson traditionnelle qui animait Barbeau et l’effet que celle-ci a eu sur la collecte et la diffusion du répertoire au Canada français.
Benoit, Virgil [Université du North-Dakota] La conception du bonheur dans la diaspora québécoise Il s’agit d’un survol méticuleusement documenté de la conception du bonheur des membres de la famille de Magloire Lalande et Agnès Laframboise de Sainte-Scholastique (Mirabel), Québec, et les Lalande de la paroisse de Folle Avoine/Wild Rice au Dakota du Nord, États-Unis, couvrant la période de 1900–2010. La présentation fait revivre les habitudes et les valeurs de la vie domestique et sociale cultivées et partagées des frères, sœurs, cousins et cousines Lalande des deux régions. Grâce à des visites et séjours exécutés entre les membres de famille des deux régions et une documentation diverse qu’ils ont laissée, augmentée d’entrevues des années 2000, on découvre l’esprit partagé des membres de cette famille par chanson, journal intime, photographie, et formes diverses d’histoires racontées ou écrites de la période couverte par cette étude, le tout étant en lien avec des intérêts et démarches similaires à ceux de Marius Barbeau, qui inspirent encore aujourd’hui par l’esprit d’ouverture et la sensibilité dans la poursuite de connaître les pratiques populaires dans l’Amérique française.
Bergeron, Bertrand [Collège d’Alma et Société québécoise d’ethnologie] Territoire et terrain Ma communication comportera deux volets : 1 – D’une invention à l’autre ou comment le vaste territoire du Saguenay fut à la fois inventé par Jacques Cartier, selon le dire de Donnacona, et par Marius Barbeau, selon le dire de ses informateurs en pays de Charlevoix dans le Saguenay légendaire. 2 – D’un terrain à l’autre ou comment le terrain ethnographique de Marius Barbeau a inspiré le terrain historique de Victor Tremblay, fondateur de la Société historique du Saguenay, à travers leur correspondance.
Blanchette, Jean-François [Musée canadien de l’histoire] Marius Barbeau et l’authenticité de la tradition en art populaire La recherche des traditions en art populaire et de leurs origines à l’époque même où la modernité les menace de disparition amène Marius Barbeau à mettre ces traditions en valeur et à favoriser leur persistance. Ses actions trouvent leur écho à l’époque de la crise économique où justement certains prônent le retour à la terre et aux activités domestiques qui permettront de subvenir aux besoins de la famille. Par ailleurs, l’approche de l’anthropologue est confrontée à la vision de certains qui croient, comme Jean-Marie Gauvreau, qu’il faille remplacer certaines de ces traditions par des éléments de modernité afin de créer des produits artisanaux pour le marché. Comment se développent les réflexions et les actions des divers intervenants dans le maintien des traditions d’une part et leur adaptation aux exigences de la modernité d’autre part ? C’est ce que j’explorerai ici.
Boivin, Aurélien [Université Laval, Québec] Le Saguenay légendaire : un hommage aux humbles habitants Qu’est-ce qui pousse Marius Barbeau à publier, en 1967, Le Saguenay légendaire, dont certains textes avaient paru dans des revues ? Que retient-il de son contact avec cette région qu’il a arpentée avec Mgr Victor Tremblay, fondateur de la Société historique du Saguenay ? Comment procède-t-il pour faire connaître cette région qu’il considère géographiquement selon les anciennes frontières, sans qu’il s’en explique dans l’introduction ? Quelle méthode choisit-il ? Comment procède-t-il pour faire connaître ses habitants et quelques-uns de ses héros devenus légendaires ? Nous répondrons à ces questions, en nous attardant aux buts que Barbeau poursuit : rendre hommage aux petites gens, qui ont façonné ce coin de pays. Nous tenterons un rapprochement avec Joseph-Charles Taché et ses Forestiers et voyageurs, car Barbeau a immortalisé les us, coutumes, traditions et métiers de ces habitants, qui ont eu maille à partir avec des géants, tels William Price, Peter McLeod, John Nairne et Malcom Fraser.
Chartrand, Pierre [Centre Mnémo, Montréal] Marius Barbeau et la danse Bien que Marius Barbeau ait collecté des rondes (surtout pour leurs mélodies), il fut également un organisateur d’événements, principalement Les Veillées du bon vieux temps (Salle Saint-Sulpice, Montréal, 1918–1919) et le Festival de la chanson et des métiers du terroir (Château Frontenac, Québec, 1927–1928, 1930). Quelle était sa perception de la danse ? À quel type de porteurs de tradition faisait-il appel ? Dans quel contexte ces présentations avaient-elles lieu ? Quel était son discours sur la danse, entre autres dans les programmes imprimés pour ces événements ? En abordant la vision que Barbeau avait de la danse, nous pourrons voir si elle a marqué ses « descendants » : le milieu de la recherche comme celui des programmateurs d’événements, dont Conrad Gauthier par exemple.
Dubé, Richard [consultant en muséologie, Québec] La recherche ethnographique d’aujourd’hui, méthodes et défis. Étude de deux cas : art populaire en Charlevoix et céramique en Beauce Mes travaux de recherches ethnographiques en Charlevoix et en Beauce, à plus de 25 ans d’intervalle, empruntent la méthode d’enquête que Marius Barbeau avait privilégiée. En Charlevoix, les travaux d’inventaire auprès d’une dizaine d’artistes peintres populaires associés à une même démarche ont mené à la publication d’un livre et à l’organisation d’expositions. Les recherches en Beauce auprès d’artisans céramistes ont permis d’écrire l’histoire de Céramique de Beauce, une entreprise industrielle majeure (1940–1989). Par la suite, le Musée Marius-Barbeau de Saint-Joseph-de-Beauce a intégré une nouvelle exposition permanente à sa programmation. L’émergence de cette céramique a favorisé le développement de l’Association des collectionneurs de céramique et la publication d’une revue spécialisée. L’enquête de terrain demeure un outil de recherche par excellence. Elle ouvre la voie aux inventaires et aux catalogues raisonnés, aux études sociales et historiques. Elle fonde les travaux des institutions muséales qui se consacrent à la conservation du patrimoine matériel et immatériel. Elle demeure l’outil essentiel de documentation des collections et permet de produire rapidement des travaux de recherche en vue de favoriser une rapide diffusion.
Dubois, Philippe [Université Laval, Québec] L’ethnologie à l’Université Laval : une tradition d’innovation en constante évolution Le rapport de l’Université Laval à l’ethnologie a bien évolué depuis la fondation des Archives de folklore, il y a 70 ans. L’héritage de Marius Barbeau, présenté aux étudiants comme le pionnier de la discipline au Québec, est encore bien ancré dans l’enseignement offert par l’institution, notamment par la tradition d’innovation qu’il a su y implanter. Cette communication propose une réflexion, du point de vue de l’étudiant, sur l’actualisation des pratiques de terrain et de l’enquête ethnologique, qui se doivent maintenant d’être adaptées à des sujets parfois bien loin du folklore. Le dynamisme de la discipline engendre en effet une multitude d’avenues de recherches, en symbiose avec la réalité actuelle qui stimule les jeunes chercheurs en sciences historiques et sociales.
Ferey, Vanessa [Université Sorbonne Nouvelle, Paris] Les travaux de Marius Barbeau au sein du Musée de l’Homme de Paris Cette communication est issue de recherches menées sur les archives du fonds Marius Barbeau préservées au Musée canadien de l’histoire. Les travaux du folkloriste québécois menés à partir de 1931 au Musée d’ethnographie du Trocadéro participent à l’actualisation des connaissances d’une partie des collections françaises issues de ses anciennes colonies d’Amérique du Nord. Grâce à sa vive collaboration avec le muséologue français Georges-Henri Rivière, le musée parisien est désormais en mesure de valoriser une culture matérielle méconnue en prévision de l’inauguration du Musée de l’Homme en 1937. Malgré une retraite prise en 1948, l’infatigable Marius Barbeau entretient une correspondance scientifique avec Georges-Henri Rivière et revient à Paris en 1953. Il analyse ainsi plusieurs collections amérindiennes dont les résultats apportent un nouveau regard sur le patrimoine franco-américain des musées d’Europe de l’Ouest.
Fortin, Marc-André [Université de Sherbrooke] La traduction de « The Downfall of Temlaham » : retours transculturels En 1948, Marius Barbeau a publié une traduction française et la version révisée de son roman The Downfall of Temlaham, intitulé Le Rêve de Kamalmouk. Quelques années plus tard, il a envoyé une lettre aux rédacteurs en chef à Oxford University Press pour leur demander s’ils seraient intéressés à publier une version anglaise révisée du texte français. Cette nouvelle traduction aurait créé une progression circulaire (ou éventuellement régression) qui finit par s’effondrer de nouveau dans les notes ethnographiques et enregistrements sonores consignés dans les langues des Ts’msyan et des Gitxsan que Barbeau avait compilés lors de ses voyages anthropologiques sur le terrain à la rivière Skeena. Pourtant, la proposition de Barbeau nous montre comment le processus de traduction et de retour filtre, coupe et réénonce les appareils politiques et sociaux qui entourent la construction matérielle de son texte original, ainsi que l’incapacité à capturer, soit par la fiction ou l’ethnographie, l’altérité sublime de l’objet ethnographique.
Gadbois, Jocelyn [Université Concordia et Université de Montréal] Marius Barbeau chez les évolutionnistes (1907–1914) Ma communication proposera un retour historiographique sur la formation qu’a reçue Marius Barbeau auprès des évolutionnistes britanniques et des intellectuels français entre 1907 et 1914. Cet épisode biographique semblait rendre plusieurs ethnologues issus de l’école des Archives de folklore de l’Université Laval mal à l’aise, comme si ces derniers peinaient à assumer complètement leur passé disciplinaire. Pour soulever le voile de mystères, je propose de relire l’enseignement que Barbeau a reçu à Oxford et les liens qu’il a entretenus avec Marcel Mauss grâce notamment aux mémoires de son directeur de thèse, Robert Ranulph Marett, et ceux de son collègue Wilson Dallam Wallis. Ce retour, réflexif, m’a permis de dégager des éléments de compréhension des influences de Barbeau, et par extension de l’école des Archives de folklore, ainsi que de réfléchir à leur projet interprétatif commun, c’est-à-dire réussir à mettre à distance la foi chrétienne pour comprendre le proche.
Gauthier, Serge [Société d’histoire de Charlevoix et Centre de recherche sur l’histoire et le patrimoine de Charlevoix] Charlevoix est-il un pays enchanté pour Marius Barbeau ? Région isolée ? Région en lien avec ses voisines (Côte-du-sud, Saguenay notamment) ? Tant dans ses livres touristiques que dans son important article Au pays des gourganes publié en 1917, Marius Barbeau semble varier de position à ce sujet. Par ailleurs, le célèbre folkloriste et ethnologue ne change pas d’avis sur l’intérêt scientifique que représente ce territoire où il retrouve une riche tradition orale en chansons folkloriques et en contes notamment. Dans quel contexte Barbeau inscrit-il sa démarche de chercheur dans Charlevoix ? L’héritage de la villégiature ? À la suite des écrivains et historiens locaux ou régionaux ? Cette communication cherche à enraciner le projet de cueillette de Barbeau en Charlevoix en faisant mieux comprendre ses sources, mais aussi ses retombées, car, au-delà du regard folklorique et de l’enchantement, il y a eu une rencontre historique entre Barbeau, le folklore et la région de Charlevoix.
Guérin-Dubé, Jean-Benoît [Société d’histoire de Charlevoix] Des porteurs de tradition orale : les Morneau de Baie-des-Rocher S’il est reconnu depuis 2009 dans sa région natale de Charlevoix par le prix du Patrimoine de Charlevoix, Alphonse Morneau, et à son tour son petit-fils Guillaume, n’ont pas toujours eu cette reconnaissance. « L’Homme aux 400 chansons » était un porteur de folklore par sa grande connaissance des chansons traditionnelles du Québec qui lui provenaient en grande partie de sa mère. L’homme a aussi participé à plusieurs événements centrés sur la tradition, dont l’exposition universelle de Vancouver en 1986, et contribué par ses enregistrements aux Archives de folklore de l’Université Laval. Aujourd’hui, son répertoire traditionnel est chanté par des groupes musicaux, mais surtout par son petit-fils Guillaume qui assure la relève. Des questions se posent au sujet de cette famille. Qui étaient ces informateurs ? De quelle manière s’est développé leur répertoire ? Dans quel milieu ont-ils évolué ? Comment qualifier cet héritage qui aurait probablement été perdu sans l’apport d’Alphonse Morneau et de sa famille ?
Harvey, Christian [Société d’histoire de Charlevoix et Centre de recherche sur l’histoire et le patrimoine de Charlevoix] Cartographie des terrains d’enquête de Marius Barbeau dans Charlevoix (1916–1940). À l’encontre d’une certaine vision spontanée, la cueillette de folklore sur le terrain de Marius Barbeau dans Charlevoix répond à une réflexion méthodologique précise, à la fois explicite et implicite. Cette présentation vise, par l’analyse des fiches de travail de Marius Barbeau déposées aux Archives de l’Université Laval (Archives de folklore), à localiser la provenance de ses informateurs. Dans Charlevoix, notamment dans un contexte touristique pressant, sa méthode de terrain amène Barbeau à privilégier certains rangs situés dans l’arrière-pays plutôt que les lieux de villégiature connus. Peut-on y percevoir un processus méthodologique précis chez Barbeau ? Dans le grand champ de la cueillette des traditions orales dans Charlevoix comment ce chercheur a‑t-il procédé pour retrouver les traces uniques de cet héritage ethnologique ?
Huot, Pascal [chercheur indépendant, Québec] Barbeau et le terrain : un exemple pour demain ? La communication porte un regard personnel sur le terrain ethnologique dans la pratique d’un chercheur indépendant. L’approche fait état d’une part des bénéfices liés au terrain, tant pour une démarche ethnologique que pour d’autres sphères d’activité, notamment le travail de photojournaliste. D’autre part, il sera question de la publication simultanément d’articles grand public et scientifique permettant le financement des terrains et la diffusion des résultats.
Joly, Diane [consultante en patrimoine, Montréal] Édouard-ZotiqueMassicotte et Marius Barbeau : une correspondance dynamique autour du folklore Dès 1917, Édouard-Zotique Massicotte et Marius Barbeau entreprennent une correspondance soutenue qui révèle deux personnalités attachantes sachant tirer le meilleur de l’autre. Massicotte, qui a déjà publié quelques études séminales sur le folklore, est renommé parmi ses pairs. Pour sa part, Marius Barbeau est en début de carrière et recherche la reconnaissance. Il remet le folklore dans la sphère publique et redonne à Massicotte une passion pour la culture populaire. D’abord empreinte de sollicitude, la correspondance révèle peu à peu leur vision du folklore où se confrontent les idées. À la suite d’échanges rudes, ils cessent de collaborer en 1921 et leurs écrits s’espacent par la suite. Ils continuent tout de même leurs échanges sur le folklore pendant vingt-cinq ans et se donnent aussi l’occasion de renouveler leur amitié.
Labelle, Ronald [Université du Cap-Breton, Sydney] « Une fois, il y avait un jeune ethnologue… » C’est par la découverte de la présence de contes populaires d’origine canadienne-française dans le répertoire de ses informateurs amérindiens que Marius Barbeau s’est lancé dans la recherche sur les traditions québécoises en 1914. Le conte populaire a été au centre de ses préoccupations jusqu’en 1919 et, bien que ses recherches sur la chanson traditionnelle et la culture matérielle l’aient préoccupé par la suite, il a continué à diffuser les contes par des publications adressées à divers publics, ainsi que par une traduction anglaise intitulée The Golden Phoenix. Cette communication comprendra une réflexion sur les buts poursuivis par Marius Barbeau dans la cueillette et la diffusion des contes et sur les résultats de ses efforts.
Labonté, Marilie [Université du Québec à Montréal] De la sauvegarde du patrimoine à la muséologie : Marius Barbeau De multiples reconnaissances sont liées au nom de Marius Barbeau. De premier ethnologue canadien à folkloriste, Marius Barbeau a maintes fois été reconnu pour son apport à la sauvegarde du patrimoine amérindien et québécois ainsi qu’en tant que spécialiste et ami de l’art et des artistes canadiens. Malgré sa carrière quasi exclusive à l’ancien Musée de la Commission de géologie du Canada, aujourd’hui Musée canadien de l’histoire, le titre de muséologue ne lui est pas rattaché dans la majorité des études lui étant consacrées. Cette communication souhaite ici souligner l’importante contribution souvent négligée de Marius Barbeau au domaine de la muséologie au Québec et au Canada. En peu de mots, cet homme sera l’un de ceux qui professionnaliseront le travail de muséologue mettant la culture matérielle en avant-plan, lui apportant explications et significations dans une époque où les conservateurs de musées possèdent la connaissance sans nécessairement la communiquer à autrui.
Lalonger, Louise [Centre de conservation du Québec, Québec] Dévoiler la couleur : rencontre de la tradition orale et de l’analyse scientifique Le dépouillement de carnets d’enquêtes de Marius Barbeau nous permet de retracer bon nombre de renseignements sur une activité de teinture traditionnelle pour des fibres textiles. Barbeau a recueilli des données auprès d’une trentaine d’informateurs provenant principalement de la région de Charlevoix, mais également de l’Île d’Orléans, de Notre-Dame-du Portage et de la Jeune Lorette. Ses notes, transcrites entre 1911 et 1940 environ, témoignent du savoir populaire sur les façons de teindre avec des colorants indigènes, des colorants naturels importés ou encore avec des produits synthétiques. Nous verrons les principales difficultés reliées au dépouillement de cette enquête, à l’identification botanique, à l’interprétation des données et à sa transcription. De même, une recherche a permis de réaliser des échantillons de références reflétant la gamme de couleurs utilisées traditionnellement et de faire des analyses chimiques sur des textiles traditionnels. Nous verrons comment l’identification de ces colorants apporte des éléments complémentaires à l’enquête orale tout en départageant les mythes de la réalité.
Martineau, Danielle [Médiatrice du patrimoine vivant, Saint-Alphonse-Rodriguez] La collaboration entre Adélard Lambert et Marius Barbeau Les travaux du projet « L’héritage culturel d’Adélard Lambert », dont m’a chargé la Mrc de D’Autray, dans Lanaudière, sont soutenus par le Ministère de la culture et des communications du Québec, par le Conseil des arts du Canada et par la Mrc de D’Autray. Il s’agit d’une mise en valeur qui peut s’étendre sur une période de trois à quatre ans, afin d’obtenir des résultats durables et pertinents dans l’optique de l’établissement d’un pôle culturel de qualité. Cette action permettra de sensibiliser tout un bassin – élus, citoyens, familles, artistes, porteurs de tradition – à l’importance de la reconnaissance du patrimoine oral, ce patrimoine si vivant dans la communauté de D’Autray. Dans le cadre du colloque, je souhaite exposer le cheminement et les défis de cette expérience de médiation culturelle en soulignant particulièrement les enseignements qui ressortent de la collaboration fructueuse entre Adélard Lambert et Marius Barbeau dans cette relation unique et exemplaire.
Pichette, Jean-Pierre [Université Sainte-Anne, Pointe-de‑l’Église, et Société québécoise d’ethnologie] Le Romancero du Canada : une synthèse à la croisée des chemins En 1937, Marius Barbeau (1883–1969) livrait une œuvre fondatrice, le Romancero du Canada. Inspiré par le Romancéro populaire de la France de George Doncieux, le recueil s’attachait au répertoire des chansons traditionnelles du Canada français. Cet exposé sonde les origines de ce livre et compare les influences opposées subies par l’auteur – notamment celles d’Ernest Gagnon au Canada et de George Doncieux en France – afin de montrer l’originalité du projet qu’il portait en fonction des découvertes qu’il avait faites sur le terrain. On voit ainsi comment la substance du livre, son ordonnance thématique et le contenu des commentaires mettent à jour les intuitions profondes et les positions théoriques qui animent l’auteur, en particulier sur l’origine française et la haute qualité de la tradition canadienne. D’autre part, plus qu’un simple florilège, cette œuvre de maturité se mue, sans en avoir l’air, en véritable traité de l’évolution des recherches sur la chanson populaire au Canada français ; en outre, elle servira de modèle pour la relève au Québec, en Ontario et en Acadie.
Postic, Fañch et Jean-François Simon [Université de Bretagne occidentale, Brest] Du folklore à l’ethnologie : « Traditions populaires » et projet universitaire en Bretagne En Bretagne, comme dans l’ensemble de l’Hexagone, les traditions populaires ont longtemps été considérées comme relevant du « folklore », terme souvent connoté péjorativement, synonyme d’amateurisme et de régionalisme pas toujours de bon aloi. Elles ont dès lors eu du mal à trouver une place dans l’enseignement institutionnel de l’ethnologie. Délaissées par les institutions universitaires, elles ont alors été l’affaire de bénévoles, regroupés ou non au sein d’associations culturelles au caractère parfois militant. Après un état des lieux en Bretagne, resitué dans le cadre plus large de la France, et l’évocation des personnalités qui se sont préoccupé de la collecte et de l’étude des traditions populaires, la communication s’interrogera sur les raisons susceptibles d’expliquer une telle situation : histoire de l’ethnologie comme discipline universitaire d’enseignement ? Défiance, voire mépris, vis-à-vis d’une approche jugée trop régionaliste ? Conséquences de la valorisation du folklore par le gouvernement de Vichy ? Il faut attendre les années 1970 pour qu’un enseignement d’ethnologie soit assuré à l’Université de Brest, dirigé par Jean-Michel Guilcher, lié à la création du Centre de recherche bretonne et celtique dont l’ethnologie de la Bretagne est l’une des préoccupations, et 1990 pour qu’y soit créé un département spécifique.
Poulin, Anne-Marie [ethnologue-conseil, Québec] Le « boutonné » de Charlevoix : pertinence d’une découverte Dans ses mémoires, toujours inédits, Marius Barbeau note avec enthousiasme le résultat d’une visite sur le terrain à l’Isle-aux-Coudres : « Lorsque j’allai là-bas avec Jackson et Lismer, en 1925, et que j’entrai dans la maison, je posai tout d’abord mon regard vers la chambre des invités, située au sous-sol, afin d’y apercevoir cette fameuse boutonnée pour laquelle je me serais rendu au bout du monde afin de l’obtenir et la sauvegarder. Eh bien ! J’en fis l’acquisition, comme de toutes celles jusqu’à quinze ou vingt ». À l’évidence, le chercheur renseigné avait préparé son terrain. Quel fut l’impact de cette découverte sur la communauté scientifique, la région voire sur la technique qu’il visait tant à sauvegarder ? Bien que les arts textiles occupent une place marginale dans l’ensemble de l’œuvre de Barbeau, son intérêt pour le tissage du « boutonné de Charlevoix » est manifeste. C’est, vu de l’intérieur comme chercheuse et tisserande, que je tenterai d’apporter un certain éclairage sur ce legs particulier et quasi centenaire mis au grand jour par Marius Barbeau.
Savard, Louis-Martin [Université de Moncton] Joseph-Thomas LeBlanc et le « romancero acadien » Dans cette communication, je m’intéresserai aux rapports entre Marius Barbeau et le folkloriste acadien Joseph-Thomas LeBlanc qui, vers la fin des années 1930, ambitionnait de publier un ouvrage critique s’inspirant du Romancero du Canada de Barbeau. De 1938 à 1941, LeBlanc rédige 87 chroniques sur la chanson de tradition orale dans les pages du journal L’Évangéline à Moncton, périodique duquel il est le rédacteur adjoint. À la même époque, il entreprend une relation épistolaire avec l’ethnologue d’Ottawa. Rapidement, ce dernier exerce une influence considérable sur lui. LeBlanc est décédé prématurément en 1943 avant d’espérer voir naître son livre. Il n’en demeure pas moins que son travail et ses recherches témoignent de l’héritage de Marius Barbeau en Acadie ; c’est ce que j’exposerai dans mon allocution.
Simard, Jean [Université Laval et Société québécoise d’ethnologie] Depuis l’île d’Orléans, Marius Barbeau découvre l’art religieux du Québec L’intérêt de Barbeau pour l’art religieux date du milieu des années 1920 : « En 1925, écrit-il, c’était plusieurs années après mes débuts, j’ai décidé d’étudier l’art populaire du Canada français. J’avais remarqué, dans quelques églises de l’île d’Orléans, de très belles œuvres, des sculptures sur bois, des statues et d’autres choses encore, dont notre littérature canadienne ne parlait jamais. Les Canadiens n’y prêtaient pas attention. Alors j’ai entrepris d’étudier les arts populaires du Canada français : la sculpture, le tissage, les textiles et ainsi de suite. » (« Je suis un pionnier », 1965) À l’été de cette année 1925, accompagné des peintres A. Y. Jackson et Arthur Lismer, il traverse en goélette à voile de l’île d’Orléans à Sainte-Anne-de-Beaupré pour y faire la découverte du statuaire Louis Jobin. Puis il poursuit l’aventure de l’art religieux qui l’amène à publier des ouvrages sur les Madones du diocèse de Québec (1929), les Saintes Artisanes (1944 et 1946), le Trésor des anciens jésuites (1957) et Louis Jobin, statuaire (1968).
Thériault, Benoît [Musée canadien de l’histoire, Gatineau] Les archives de Marius Barbeau, une richesse à découvrir ou à redécouvrir « Est-ce que tout ce travail sera perdu jusqu’à ce qu’on le retrouve, dans cinquante ans ? » Les inquiétudes exprimées en 1965 par Barbeau concernant la pérennité de son travail étaient-elles justifiées ? Qu’en est-il aujourd’hui ? Ce matériel de recherche, résultat de plus d’un demi-siècle d’enquête sur le terrain, est-il toujours pertinent ? En quoi consiste cette documentation ? Quelle en est l’ampleur ? Quels champs d’études englobe-t-elle ? Voilà en résumé les questions auxquelles nous souhaitons nous attarder au cours de notre présentation. Pour ce faire, nous passerons en revue l’imposante collection documentaire des archives de Marius Barbeau conservées au Musée canadien de l’histoire, en discutant au passage de son ampleur, de son unicité et des possibilités nouvelles qu’elle offre à la recherche actuelle en ethnologie du Canada français.
Turgeon, Laurier [Université Laval, Québec] L’enseignement de l’ethnologie à l’Université Laval de Barbeau à aujourd’hui Ce bilan critique de l’enseignement et de la recherche en ethnologie à l’Université Laval coïncide avec le 70e anniversaire de la création de la première chaire de folklore en 1944. L’étude portera sur l’évolution des grandes thématiques des cours, tant sur leurs contenus que sur leurs formes, et des sujets de recherche, tout en tenant compte des clientèles étudiantes. Désignés d’abord sous le nom de « folklore », les programmes ont été aussi nommés tour à tour « arts et traditions populaires », « ethnologie », « ethnologie et anthropologie », et « ethnologie et patrimoine ». Que signifient ces mutations d’appellations très rares dans les autres disciplines ? L’analyse proposée comprendra une comparaison avec les programmes d’enseignement de l’ethnologie ailleurs en Amérique du Nord et en Europe. Ce bilan se veut aussi prospective, aboutissant à une réflexion sur les perspectives d’avenir de l’ethnologie à l’Université Laval et ailleurs.
Turgeon, Laurier [Université Laval, Québec] L’inventorisation du patrimoine immatériel au Québec de Marius Barbeau à nos jours L’avènement des équipements numériques, des bases de données multimédia interactives et des applications Web a révolutionné les méthodes de cueillette, de sauvegarde, de mise en valeur, de transmission et de diffusion du patrimoine culturel immatériel. Aujourd’hui, les équipements d’enregistrement numérique très performants et maniables offrent la possibilité de saisir rapidement les informations sur le terrain, de les transférer directement dans une base de données numériques, de conserver et de gérer l’information efficacement et de rendre les supports multimédias très accessibles au grand public à des coûts peu élevés via le Web. Les nouvelles technologies et les nouvelles possibilités qu’elles offrent participent à une reconceptualisation de la pratique même de l’archive. Cette communication présentera les méthodologies et les technologies mises en œuvre par la Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique dans l’inventorisation du patrimoine culturel immatériel du Québec, en collaboration avec Patrimoine canadien, le ministère de la Culture et des communications du Québec, le ministère des Affaires municipales, des régions et de l’occupation du territoire et plusieurs associations dans le domaine du patrimoine immatériel (Sqe, Smq, Mpr, etc.).
Valière, Michel et Michèle Gardré-Valière [Université de Poitiers] Marius Barbeau, Le Rossignol y chante, et nous, et nous… Jeunes chercheurs hors statut, isolés dans les Brandes du Haut-Poitou, éloignés des cercles universitaires dans les premières années de la décennie 1960, mais soucieux d’éducation populaire, nous ne connaissions Marius Barbeau que par des notes et références bibliographiques. C’est Patrice Coirault, donc, qui en fut notre initiateur à travers ses travaux. Mais Marius Barbeau ne prit corps à nos yeux qu’à la suite d’une rencontre de laboratoire de sociolinguistique à Toulouse avec la muséographe Carmen Roy du Musée national canadien d’Ottawa qui nous fit servir le Rossignol y chante du prestigieux folkloriste. Cette découverte conféra brusquement une profondeur historique et géographique, en un mot humaniste, à nos corpus régionaux que nous jugions parfois anecdotiques. Ainsi cet ouvrage, certes non représentatif de la monumentale œuvre de Marius Barbeau, devint pour nous une tête de pont entre les Français d’Amérique du Nord et leurs ancêtres des Vieux Pays, au sein desquels nous nous étions immergés, posture indispensable pour notre approche ethnographique que nous souhaitions holiste. Il s’ensuivit un émerveillement, de multiples désirs d’échanges, de riches rencontres entre Québécois, Acadiens et des ressortissants du Centre-Ouest de la France, bref, un abaissement des distances, un rapprochement des époques par la mémoire des chansons. Ce qui n’aurait pu rester que lettre morte, futilité ou activité de loisirs.
Image à la Une : Marius Barbeau rédigeant devant un ange thuriféraire sculpté (Louis Jobin, 1925)