Simonne Voyer (1913–2013)

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Le 11 sep­tem­bre 2024

Ce por­trait est tiré de l’article de Joce­lyne Math­ieu inti­t­ulé « Simonne Voy­er, à la décou­verte des dans­es tra­di­tion­nelles en Amérique française » et pub­lié ini­tiale­ment dans la revue Rabas­ka (vol. 7, 2009, p. 95–102).

Simonne Voy­er était une femme énergique, rigoureuse et pas­sion­née par la danse et l’enseignement. Elle est née à Mon­tréal, le 11 octo­bre 1913. Après avoir obtenu un diplôme en let­tres-sci­ences de l’Université de Mon­tréal (1931) et un brevet d’enseignement de l’École nor­male (1935), elle devient enseignante au pri­maire, un poste qu’elle occupe pen­dant dix ans, tout en pour­suiv­ant sa for­ma­tion en édu­ca­tion physique. Elle com­plète un bac­calau­réat en péd­a­gogie à l’Université Laval (1948) et une maîtrise en édu­ca­tion physique et danse de l’Université Colum­bia, à New York (1949).

Ce pas­sage aux États-Unis est déter­mi­nant dans son par­cours, car c’est à par­tir de ce moment que Simonne Voy­er se pas­sionne pour l’étude de la danse tra­di­tion­nelle. Invitée par son pro­fesseur à présen­ter une danse de son pays devant la classe, Simonne Voy­er con­state que, con­traire­ment à ses col­lègues étrangers, elle n’en con­naît aucune. Elle se donne alors le défi d’apprendre ce réper­toire et com­mence à s’intéresser sérieuse­ment à ce sujet. À son retour au pays, elle tra­vaille comme con­seil­lère péd­a­gogique en édu­ca­tion physique à la Com­mis­sion des écoles catholiques de Mon­tréal et enseigne la danse à Québec.

Hébert (ou Her­bert), Mau­rice, Danse en plein air à la Descente des femmes, comté de Chicouti­mi, 1944. Fonds min­istère de la Cul­ture et des Com­mu­ni­ca­tions, (03Q,E6,S7,SS1,P24464)

Au début des années 1950, Simonne Voy­er est déjà recon­nue pour son enseigne­ment de la danse dans la cap­i­tale. Elle fait la con­nais­sance de Luc Lacour­cière et intè­gre l’équipe des Archives de folk­lore de l’Université Laval. Elle y ren­con­tre Madeleine Doy­on, spé­cial­iste du cos­tume qui s’est égale­ment intéressée à la danse. Celle-ci l’encourage alors à pour­suiv­re ses recherch­es sur ce sujet et lui présente un pre­mier infor­ma­teur avec lequel Voy­er s’initie à l’enquête ethno­graphique et au réper­toire des dans­es tra­di­tion­nelles. En 1951, elle fonde une troupe de danse folk­lorique. Tout en con­tin­u­ant de tra­vailler dans le domaine de l’enseignement à temps plein, comme chargée de cours en édu­ca­tion physique à l’Université Laval et à l’Université du Québec à Trois-Riv­ières, elle s’adonne active­ment à ses recherch­es ethno­graphiques. Elle obtient un bac­calau­réat ès arts de l’Université de Mon­tréal en 1958 et s’impose rapi­de­ment comme spé­cial­iste, choré­graphi­ant par exem­ple des dans­es tra­di­tion­nelles pour des émis­sions télévisées.

Dans les années 1950 et 1960, Simonne Voy­er se rend à plusieurs repris­es en Europe et au Mex­ique pour par­faire sa for­ma­tion dans le cadre de stages d’études ou de per­fec­tion­nement. Elle prof­ite de ces occa­sions pour con­sul­ter des archives, notam­ment en France et en Angleterre, et ren­con­tr­er des spé­cial­istes de la dis­ci­pline. Ses recherch­es l’amènent aus­si à dévelop­per un sys­tème de nota­tion per­me­t­tant de con­sign­er les mou­ve­ments de danse. Elle réalise des enquêtes de ter­rain au Québec et dans les Mar­itimes et con­stitue des réper­toires de dans­es tra­di­tion­nelles pour cha­cune des régions vis­itées. De 1965 jusqu’à la fin des années 1970, elle est occa­sion­nelle­ment chargée de cours en ethno­gra­phie tra­di­tion­nelle à l’Université Laval.

Devant la masse de con­nais­sances amassée au cours de ses recherch­es, Simonne Voy­er souhaite pub­li­er un ouvrage sur la danse tra­di­tion­nelle. Elle y tra­vaille d’abord avec l’aide de Madeleine Doy­on, puis de Luc Lacour­cière. Or, le décès de la pre­mière en 1978 et les prob­lèmes de san­té du sec­ond l’obligent à sus­pendre son pro­jet jusqu’à ce que Jean-Claude Dupont, au début des années 1980, lui pro­pose de s’y remet­tre. Simonne Voy­er reprend son man­u­scrit qui l’amène d’abord à soutenir une thèse de doc­tor­at en Arts et tra­di­tions pop­u­laires en 1984. Elle est alors âgée de 71 ans. Puis, elle pub­lie son pre­mier ouvrage en 1988, La danse tra­di­tion­nelle dans l’est du Cana­da. Quadrilles et cotil­lons, aux Press­es de l’Université Laval, dans la col­lec­tion « Eth­nolo­gie de l’Amérique française » dirigée par Dupont. Cette con­tri­bu­tion majeure et jusqu’à aujourd’hui iné­galée présente une syn­thèse de l’histoire de la danse depuis le Moyen Âge, un réper­toire des dans­es tra­di­tion­nelles au Québec et dans les Mar­itimes, une ter­mi­nolo­gie descrip­tive ain­si qu’une méth­ode de nota­tion détail­lée des choré­gra­phies. Son livre s’impose comme une référence incon­tourn­able. Elle pub­lie par la suite d’autres ouvrages sur le sujet, soit La danse tra­di­tion­nelle québé­coise et sa musique d’accompagnement (avec Gynette Trem­blay, 2001), La gigue, danse de pas (avec Nor­mand Legault, 2003) et La con­tredanse au Québec (2008).

Simonne Voy­er décède le 8 octo­bre 2013, à l’âge de 100 ans. Femme engagée envers la recherche et l’enseignement, elle a créé en 1992 un fonds qui porte son nom et qui, depuis plus de trente ans, sou­tient les étu­di­ants engagés dans la recherche en eth­nolo­gie et pat­ri­moine à l’Université Laval.

 

Crédits

Rédac­tion : Lau­rence Provencher-St-Pierre
Révi­sion : Louise Décarie

 

Image à la une : Simonne Voy­er. Pho­to tirée de Rabas­ka, 2014, vol. 12, p. 226.

 

Quelques références

Voy­er, Simonne. La danse tra­di­tion­nelle dans l’est du Cana­da. Quadrilles et cotil­lons. Québec, Press­es Uni­ver­sité Laval, 1986, 509 p.

Voy­er, Simonne et Gynette Trem­blay. La danse tra­di­tion­nelle québé­coise et sa musique d’ac­com­pa­g­ne­ment. Québec, Édi­tions de l’IQRC, 2001, 159 p.

Voy­er, Simonne. La Gigue, danse de pas. Québec, Édi­tions GID, 2003, 136 p.

Voy­er, Simonne. La Con­tredanse au Québec. 1. Les con­tredans­es en forme de colonne. Québec, Simone Voi­sine et Les Édi­tions Varia, 2008, 84 p.

Pour aller plus loin

Math­ieu, Joce­lyne. « Simonne Voy­er, à la décou­verte des dans­es tra­di­tion­nelles en Amérique française ». Rabas­ka, vol. 7, 2009, p. 95–102. https://doi.org/10.7202/038338ar

Trem­blay, Gynette. « Simonne Voy­er (1913–2013) ». Rabas­ka, vol. 12, 2014, p. 226–227. https://doi.org/10.7202/1026799ar

Un commentaire

  1. J’ai eu la chance de con­naître madame Simone lors d’activités de la Société québé­coise d’ethnologie à l’époque où j’étais étu­di­ant en eth­nolo­gie à l’université Laval. Mon sou­venir de Madame Simone est celui d’une femme énergique, drôle, fort sym­pa­thique et tou­jours par­tante pour par­ticiper à une fête. Mer­ci pour ce bel arti­cle qui nous apprend encore plus sur le par­cours excep­tion­nel de cette femme déter­minée. Un tré­sor pour le Québec et, n’ayons pas peur des mots, pour la fran­coph­o­nie inter­na­tionale. (R.L.)

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