Le 11 septembre 2024
Ce portrait est tiré de l’article de Jocelyne Mathieu intitulé « Simonne Voyer, à la découverte des danses traditionnelles en Amérique française » et publié initialement dans la revue Rabaska (vol. 7, 2009, p. 95–102).
Simonne Voyer était une femme énergique, rigoureuse et passionnée par la danse et l’enseignement. Elle est née à Montréal, le 11 octobre 1913. Après avoir obtenu un diplôme en lettres-sciences de l’Université de Montréal (1931) et un brevet d’enseignement de l’École normale (1935), elle devient enseignante au primaire, un poste qu’elle occupe pendant dix ans, tout en poursuivant sa formation en éducation physique. Elle complète un baccalauréat en pédagogie à l’Université Laval (1948) et une maîtrise en éducation physique et danse de l’Université Columbia, à New York (1949).
Ce passage aux États-Unis est déterminant dans son parcours, car c’est à partir de ce moment que Simonne Voyer se passionne pour l’étude de la danse traditionnelle. Invitée par son professeur à présenter une danse de son pays devant la classe, Simonne Voyer constate que, contrairement à ses collègues étrangers, elle n’en connaît aucune. Elle se donne alors le défi d’apprendre ce répertoire et commence à s’intéresser sérieusement à ce sujet. À son retour au pays, elle travaille comme conseillère pédagogique en éducation physique à la Commission des écoles catholiques de Montréal et enseigne la danse à Québec.
Au début des années 1950, Simonne Voyer est déjà reconnue pour son enseignement de la danse dans la capitale. Elle fait la connaissance de Luc Lacourcière et intègre l’équipe des Archives de folklore de l’Université Laval. Elle y rencontre Madeleine Doyon, spécialiste du costume qui s’est également intéressée à la danse. Celle-ci l’encourage alors à poursuivre ses recherches sur ce sujet et lui présente un premier informateur avec lequel Voyer s’initie à l’enquête ethnographique et au répertoire des danses traditionnelles. En 1951, elle fonde une troupe de danse folklorique. Tout en continuant de travailler dans le domaine de l’enseignement à temps plein, comme chargée de cours en éducation physique à l’Université Laval et à l’Université du Québec à Trois-Rivières, elle s’adonne activement à ses recherches ethnographiques. Elle obtient un baccalauréat ès arts de l’Université de Montréal en 1958 et s’impose rapidement comme spécialiste, chorégraphiant par exemple des danses traditionnelles pour des émissions télévisées.
Dans les années 1950 et 1960, Simonne Voyer se rend à plusieurs reprises en Europe et au Mexique pour parfaire sa formation dans le cadre de stages d’études ou de perfectionnement. Elle profite de ces occasions pour consulter des archives, notamment en France et en Angleterre, et rencontrer des spécialistes de la discipline. Ses recherches l’amènent aussi à développer un système de notation permettant de consigner les mouvements de danse. Elle réalise des enquêtes de terrain au Québec et dans les Maritimes et constitue des répertoires de danses traditionnelles pour chacune des régions visitées. De 1965 jusqu’à la fin des années 1970, elle est occasionnellement chargée de cours en ethnographie traditionnelle à l’Université Laval.
Devant la masse de connaissances amassée au cours de ses recherches, Simonne Voyer souhaite publier un ouvrage sur la danse traditionnelle. Elle y travaille d’abord avec l’aide de Madeleine Doyon, puis de Luc Lacourcière. Or, le décès de la première en 1978 et les problèmes de santé du second l’obligent à suspendre son projet jusqu’à ce que Jean-Claude Dupont, au début des années 1980, lui propose de s’y remettre. Simonne Voyer reprend son manuscrit qui l’amène d’abord à soutenir une thèse de doctorat en Arts et traditions populaires en 1984. Elle est alors âgée de 71 ans. Puis, elle publie son premier ouvrage en 1988, La danse traditionnelle dans l’est du Canada. Quadrilles et cotillons, aux Presses de l’Université Laval, dans la collection « Ethnologie de l’Amérique française » dirigée par Dupont. Cette contribution majeure et jusqu’à aujourd’hui inégalée présente une synthèse de l’histoire de la danse depuis le Moyen Âge, un répertoire des danses traditionnelles au Québec et dans les Maritimes, une terminologie descriptive ainsi qu’une méthode de notation détaillée des chorégraphies. Son livre s’impose comme une référence incontournable. Elle publie par la suite d’autres ouvrages sur le sujet, soit La danse traditionnelle québécoise et sa musique d’accompagnement (avec Gynette Tremblay, 2001), La gigue, danse de pas (avec Normand Legault, 2003) et La contredanse au Québec (2008).
Simonne Voyer décède le 8 octobre 2013, à l’âge de 100 ans. Femme engagée envers la recherche et l’enseignement, elle a créé en 1992 un fonds qui porte son nom et qui, depuis plus de trente ans, soutient les étudiants engagés dans la recherche en ethnologie et patrimoine à l’Université Laval.
Crédits
Rédaction : Laurence Provencher-St-Pierre
Révision : Louise Décarie
Image à la une : Simonne Voyer. Photo tirée de Rabaska, 2014, vol. 12, p. 226.
Quelques références
Voyer, Simonne. La danse traditionnelle dans l’est du Canada. Quadrilles et cotillons. Québec, Presses Université Laval, 1986, 509 p.
Voyer, Simonne et Gynette Tremblay. La danse traditionnelle québécoise et sa musique d’accompagnement. Québec, Éditions de l’IQRC, 2001, 159 p.
Voyer, Simonne. La Gigue, danse de pas. Québec, Éditions GID, 2003, 136 p.
Voyer, Simonne. La Contredanse au Québec. 1. Les contredanses en forme de colonne. Québec, Simone Voisine et Les Éditions Varia, 2008, 84 p.
Pour aller plus loin
Mathieu, Jocelyne. « Simonne Voyer, à la découverte des danses traditionnelles en Amérique française ». Rabaska, vol. 7, 2009, p. 95–102. https://doi.org/10.7202/038338ar
Tremblay, Gynette. « Simonne Voyer (1913–2013) ». Rabaska, vol. 12, 2014, p. 226–227. https://doi.org/10.7202/1026799ar
Un commentaire
J’ai eu la chance de connaître madame Simone lors d’activités de la Société québécoise d’ethnologie à l’époque où j’étais étudiant en ethnologie à l’université Laval. Mon souvenir de Madame Simone est celui d’une femme énergique, drôle, fort sympathique et toujours partante pour participer à une fête. Merci pour ce bel article qui nous apprend encore plus sur le parcours exceptionnel de cette femme déterminée. Un trésor pour le Québec et, n’ayons pas peur des mots, pour la francophonie internationale. (R.L.)