Le 2 mars 2025
Ce portrait est tiré de l’article de René Bouchard intitulé « Signé Lessard » et publié initialement dans la revue Rabaska (vol. 17, 2019, p. 197–248).
L’ethnohistorien Michel Lessard naît en 1942. Sa famille habite alors à Sorel, puis s’installe à Lauzon en 1943 et à Lévis en 1953. Lorsque Michel Lessard revient sur ses souvenirs d’enfance, ceux-ci sont colorés par les moments passés dans la campagne beauceronne, chez ses oncles et ses tantes qu’il accompagne dans leurs travaux agricoles et domestiques. Sur le plan académique, le jeune Michel est un élève passionné par l’histoire et l’archéologie. Il s’intéresse à la biologie, à l’évolution de l’homme et aux civilisations précolombiennes. Il obtient un baccalauréat du Collège de Lévis en 1964 et une licence en histoire (1967), une maîtrise ((1978) et un doctorat (1986) en arts et traditions populaires de l’Université Laval.

La vie professionnelle de Michel Lessard s’est principalement concentrée autour de deux pôles de recherche. Le premier renvoi à son travail d’encyclopédiste de la culture matérielle. En 1968, Michel Lessard devient professeur d’histoire à l’École normale Marguerite d’Youville, à Sainte-Foy. Il intègre alors à son enseignement l’étude des objets du quotidien. Il utilise l’objet matériel comme outil pédagogique afin de stimuler l’intérêt des futurs enseignants à l’histoire culturelle et leur partager différentes manières d’enseigner l’histoire. Ce travail l’amène à produire de courtes fiches sur lesquelles il consigne des informations à propos de divers objets. Celles-ci servent ensuite de point de départ au projet d’Encyclopédie des antiquités du Québec. Publié en 1971, cet ouvrage connaît rapidement un succès populaire et marque le début de sa carrière d’auteur. Dès l’année suivante, il publie l’Encyclopédie de la maison québécoise qui l’amène à travailler avec l’architecte Gilles Vilandré. Ce dernier devient l’un de ses mentors. Après la fermeture de l’École normale où il enseignait, Lessard s’associe avec Vilandré et fonde l’Atelier de recherche et d’aménagement de bâtiments anciens du Québec (1972–1975). Ce projet lui permet de participer à la restauration d’une vingtaine de bâtiments à caractère historique et de publier La maison traditionnelle au Québec en 1974. D’autres ouvrages importants mettant en valeur la culture matérielle suivent dans les années subséquentes, comme Objets anciens du Québec I. La vie domestique (1994), Objets anciens II. Antiquités du Québec. Vie sociale et culturelle (1995), Sainte-Foy. L’art de vivre en banlieue au Québec (2001) et La Nouvelle Encyclopédie des antiquités du Québec (2007).
L’approche de Michel Lessard se caractérise par le fait qu’il intègre à ses encyclopédies l’étude des périodes plus récentes et les marqueurs de la modernité. En effet, Lessard refuse de confiner l’ethnologie à l’étude des traditions remontant à la Nouvelle-France et cherche à intégrer à ses réflexions l’urbain, la modernité, l’industrialisation et le mode de vie d’après-guerre.
Dans les années 1970 et 1980, Michel Lessard est particulièrement actif dans les médias et le milieu cinématographique. Il participe à titre de concepteur-scénariste, puis de réalisateur, à la série Un pays, un goût, une manière (1976–1979). Ce projet l’amène à travailler notamment avec le cinéaste Fernand Dansereau, à qui il reconnaît aussi un rôle important de mentor, et à parcourir le Québec à la rencontre d’informateurs d’exception. En plus des 26 films de cette série, il conçoit et participe également à la série Les Arts sacrés (1982–1983) ainsi qu’à de nombreuses autres productions cinématographiques et émissions radiophoniques.
L’autre pan de la carrière de Michel Lessard concerne l’histoire de la photographie. Au début des années 1980, ce champ de recherche commence à peine à intéresser les historiens. Michel Lessard, lui, se passionne déjà pour la photographie depuis un moment. Il a appris à utiliser un appareil photo et à développer lui-même ses photographies à domicile. Il reproduit régulièrement ses images pour illustrer ses divers ouvrages. En 1978, Lessard entame une carrière de professeur au département d’histoire de l’art de l’UQAM et oriente ses recherches vers l’histoire de la photographie au Québec. Il développe alors un programme scientifique et met à contribution ses étudiants et ses étudiantes afin de réaliser un inventaire des photographes et des fonds photographiques québécois. C’est dans ce contexte qu’il entre en contact avec le fonds du studio Livernois de Québec. Cette rencontre est déterminante. Tombé en amour avec ce fonds, Lessard y consacre en 1986 sa thèse de doctorat en arts et traditions populaires. Multipliant les recherches, les publications et les enseignements sur l’histoire de la photographie, Michel Lessard est motivé par ce désir de permettre à la photo d’être reconnue comme une source incontournable du travail de l’historien et de l’ethnologue.
L’ampleur du travail accompli par Michel Lessard et la longue liste de ses publications impressionnent. Tout au long de sa carrière, on lui a décerné de prestigieuses marques de reconnaissance, comme le prix Robert-Lionel Séguin (1985), le prix Gérard-Morisset (1996), la Médaille de l’Assemblée nationale du Québec (2010) et la Médaille du Lieutenant-gouverneur pour mérite exceptionnel (2022).
Il décède le 5 avril 2022, à l’âge de 79 ans.
Quelques références
Lessard, Michel et Huguette Marquis. Encyclopédie des antiquités du Québec. Trois siècles de production artisanale. Montréal, Les Éditions de l’Homme, 1971, p. 456.
Lessard, Michel et Huguette Marquis. Encyclopédie de la maison québécoise. Trois siècles d’habitations. En collaboration avec Gilles Vilandré. Montréal, Éditions de l’Homme, 1972, 728 p.
Lessard, Michel. La Maison traditionnelle au Québec. Construction, Inventaire, Restauration. En collaboration avec Gilles Vilandré. Montréal, Éditions de l’Homme, 1974, 494 p.
Lessard, Michel. Québec, ville du Patrimoine mondial. Images oubliées de la vie quotidienne 1858–1914. Montréal, Les Éditions de l’Homme, 1992, 256 p.
Lessard, Michel. Montréal, métropole du Québec. Images oubliées de la vie quotidienne 1852–1910. Montréal, Les Éditions de l’homme, 1992, 304 p.
Lessard, Michel. Objets anciens du Québec I. La vie domestique. Montréal, Les Éditions de l’Homme, 1994, 336 p.
Lessard, Michel. Objets anciens II. Antiquités du Québec. Vie sociale et culturelle. Montréal, Les Éditions de l’Homme, 1995, 384 p.
Lessard, Michel, Jean-Marie Lebel et Christian Fortin. Sainte-Foy. L’art de vivre en banlieue au Québec. Du temps des seigneuries à l’aurore du XXIe siècle. Montréal, Les Éditions de l’Homme, 2001, 416 p. 465.
Lessard, Michel. La Nouvelle Encyclopédie des antiquités du Québec. Montréal, Les Éditions de l’Homme, 2007, 1103 p.
Pour aller plus loin
Bergeron, Yves et René Bouchard. « Michel Lessard (1942–2022). Un fabuleux historien de la culture populaire ». Rabaska, vol. 20, 2022, p. 248–250. https://doi.org/10.7202/1093904ar
Bouchard, René. « Signé « Lessard ». Rabaska, vol. 17, 2019, p. 197–248. https://doi.org/10.7202/1066016ar
Lessard, Michel. « Le temps des sucres. De l’expérience familiale au regard ethno-cinématographique ». Rabaska, vol. 15, 2017, p. 123–129. https://doi.org/10.7202/1041121ar
Galassini, Anna-Lou. « Michel Lessard. Le patrimoine québécois inscrit dans la grande histoire ». Rabaska, vol. 18, 2020, p. 275–280. https://doi.org/10.7202/1072919ar
Image à la une : Michel Lessard interrogeant Roland Létourneau sur le plateau du film La grange-étable au pays de l’hiver, 1978. Fonds Michel Lessard, photo de Gaétan Brault.
Crédits
Rédaction : Laurence Provencher-St-Pierre