Michel Lessard (1942–2022)

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Michel Lessard interrogeant Roland Létourneau sur le plateau du film La grange-étable au pays de l’hiver, 1978. Fonds Michel Lessard, photo de Gaétan Brault.

Le 2 mars 2025

Ce por­trait est tiré de l’article de René Bouchard inti­t­ulé « Signé Lessard » et pub­lié ini­tiale­ment dans la revue Rabas­ka (vol. 17, 2019, p. 197–248).

L’ethnohistorien Michel Lessard naît en 1942. Sa famille habite alors à Sorel, puis s’installe à Lau­zon en 1943 et à Lévis en 1953. Lorsque Michel Lessard revient sur ses sou­venirs d’enfance, ceux-ci sont col­orés par les moments passés dans la cam­pagne beauceronne, chez ses oncles et ses tantes qu’il accom­pa­gne dans leurs travaux agri­coles et domes­tiques. Sur le plan académique, le jeune Michel est un élève pas­sion­né par l’histoire et l’archéologie. Il s’intéresse à la biolo­gie, à l’évolution de l’homme et aux civil­i­sa­tions pré­colom­bi­ennes. Il obtient un bac­calau­réat du Col­lège de Lévis en 1964 et une licence en his­toire (1967), une maîtrise ((1978) et un doc­tor­at (1986) en arts et tra­di­tions pop­u­laires de l’Université Laval.

Michel Lessard. Fonds Michel Lessard, photo de Normand Rajotte, 1995.
Michel Lessard. Fonds Michel Lessard, pho­to de Nor­mand Rajotte, 1995.

La vie pro­fes­sion­nelle de Michel Lessard s’est prin­ci­pale­ment con­cen­trée autour de deux pôles de recherche. Le pre­mier ren­voi à son tra­vail d’encyclopédiste de la cul­ture matérielle. En 1968, Michel Lessard devient pro­fesseur d’histoire à l’École nor­male Mar­guerite d’Youville, à Sainte-Foy. Il intè­gre alors à son enseigne­ment l’étude des objets du quo­ti­di­en. Il utilise l’objet matériel comme out­il péd­a­gogique afin de stim­uler l’intérêt des futurs enseignants à l’histoire cul­turelle et leur partager dif­férentes manières d’enseigner l’histoire. Ce tra­vail l’amène à pro­duire de cour­tes fich­es sur lesquelles il con­signe des infor­ma­tions à pro­pos de divers objets. Celles-ci ser­vent ensuite de point de départ au pro­jet d’Ency­clopédie des antiq­ui­tés du Québec. Pub­lié en 1971, cet ouvrage con­naît rapi­de­ment un suc­cès pop­u­laire et mar­que le début de sa car­rière d’auteur. Dès l’année suiv­ante, il pub­lie l’Ency­clopédie de la mai­son québé­coise qui l’amène à tra­vailler avec l’architecte Gilles Vilan­dré. Ce dernier devient l’un de ses men­tors. Après la fer­me­ture de l’École nor­male où il enseignait, Lessard s’associe avec Vilan­dré et fonde l’Atelier de recherche et d’aménagement de bâti­ments anciens du Québec (1972–1975). Ce pro­jet lui per­met de par­ticiper à la restau­ra­tion d’une ving­taine de bâti­ments à car­ac­tère his­torique et de pub­li­er La mai­son tra­di­tion­nelle au Québec en 1974. D’autres ouvrages impor­tants met­tant en valeur la cul­ture matérielle suiv­ent dans les années sub­séquentes, comme Objets anciens du Québec I. La vie domes­tique (1994), Objets anciens II. Antiq­ui­tés du Québec. Vie sociale et cul­turelle (1995), Sainte-Foy. L’art de vivre en ban­lieue au Québec (2001) et La Nou­velle Ency­clopédie des antiq­ui­tés du Québec (2007).

L’approche de Michel Lessard se car­ac­térise par le fait qu’il intè­gre à ses ency­clopédies l’étude des péri­odes plus récentes et les mar­queurs de la moder­nité. En effet, Lessard refuse de con­fin­er l’ethnologie à l’étude des tra­di­tions remon­tant à la Nou­velle-France et cherche à inté­gr­er à ses réflex­ions l’urbain, la moder­nité, l’industrialisation et le mode de vie d’après-guerre.

Dans les années 1970 et 1980, Michel Lessard est par­ti­c­ulière­ment act­if dans les médias et le milieu ciné­matographique. Il par­ticipe à titre de con­cep­teur-scé­nar­iste, puis de réal­isa­teur, à la série Un pays, un goût, une manière (1976–1979). Ce pro­jet l’amène à tra­vailler notam­ment avec le cinéaste Fer­nand Dansereau, à qui il recon­naît aus­si un rôle impor­tant de men­tor, et à par­courir le Québec à la ren­con­tre d’informateurs d’exception. En plus des 26 films de cette série, il conçoit et par­ticipe égale­ment à la série Les Arts sacrés (1982–1983) ain­si qu’à de nom­breuses autres pro­duc­tions ciné­matographiques et émis­sions radio­phoniques.

L’autre pan de la car­rière de Michel Lessard con­cerne l’histoire de la pho­togra­phie. Au début des années 1980, ce champ de recherche com­mence à peine à intéress­er les his­to­riens. Michel Lessard, lui, se pas­sionne déjà pour la pho­togra­phie depuis un moment. Il a appris à utilis­er un appareil pho­to et à dévelop­per lui-même ses pho­togra­phies à domi­cile. Il repro­duit régulière­ment ses images pour illus­tr­er ses divers ouvrages. En 1978, Lessard entame une car­rière de pro­fesseur au départe­ment d’histoire de l’art de l’UQAM et ori­ente ses recherch­es vers l’histoire de la pho­togra­phie au Québec. Il développe alors un pro­gramme sci­en­tifique et met à con­tri­bu­tion ses étu­di­ants et ses étu­di­antes afin de réalis­er un inven­taire des pho­tographes et des fonds pho­tographiques québé­cois. C’est dans ce con­texte qu’il entre en con­tact avec le fonds du stu­dio Liv­er­nois de Québec. Cette ren­con­tre est déter­mi­nante. Tombé en amour avec ce fonds, Lessard y con­sacre en 1986 sa thèse de doc­tor­at en arts et tra­di­tions pop­u­laires. Mul­ti­pli­ant les recherch­es, les pub­li­ca­tions et les enseigne­ments sur l’histoire de la pho­togra­phie, Michel Lessard est motivé par ce désir de per­me­t­tre à la pho­to d’être recon­nue comme une source incon­tourn­able du tra­vail de l’historien et de l’ethnologue.

L’ampleur du tra­vail accom­pli par Michel Lessard et la longue liste de ses pub­li­ca­tions impres­sion­nent. Tout au long de sa car­rière, on lui a décerné de pres­tigieuses mar­ques de recon­nais­sance, comme le prix Robert-Lionel Séguin (1985), le prix Gérard-Moris­set (1996), la Médaille de l’Assemblée nationale du Québec (2010) et la Médaille du Lieu­tenant-gou­verneur pour mérite excep­tion­nel (2022).

Il décède le 5 avril 2022, à l’âge de 79 ans.

 

Quelques références

Lessard, Michel et Huguette Mar­quis. Ency­clopédie des antiq­ui­tés du Québec. Trois siè­cles de pro­duc­tion arti­sanale. Mon­tréal, Les Édi­tions de l’Homme, 1971, p. 456.

Lessard, Michel et Huguette Mar­quis. Ency­clopédie de la mai­son québé­coise. Trois siè­cles d’habitations. En col­lab­o­ra­tion avec Gilles Vilan­dré. Mon­tréal, Édi­tions de l’Homme, 1972, 728 p.

Lessard, Michel. La Mai­son tra­di­tion­nelle au Québec. Con­struc­tion, Inven­taire, Restau­ra­tion. En col­lab­o­ra­tion avec Gilles Vilan­dré. Mon­tréal, Édi­tions de l’Homme, 1974, 494 p.

Lessard, Michel. Québec, ville du Pat­ri­moine mon­di­al. Images oubliées de la vie quo­ti­di­enne 1858–1914. Mon­tréal, Les Édi­tions de l’Homme, 1992, 256 p.

Lessard, Michel. Mon­tréal, métro­pole du Québec. Images oubliées de la vie quo­ti­di­enne 1852–1910. Mon­tréal, Les Édi­tions de l’homme, 1992, 304 p.

Lessard, Michel. Objets anciens du Québec I. La vie domes­tique. Mon­tréal, Les Édi­tions de l’Homme, 1994, 336 p.

Lessard, Michel. Objets anciens II. Antiq­ui­tés du Québec. Vie sociale et cul­turelle. Mon­tréal, Les Édi­tions de l’Homme, 1995, 384 p.

Lessard, Michel, Jean-Marie Lebel et Chris­t­ian Fortin. Sainte-Foy. L’art de vivre en ban­lieue au Québec. Du temps des seigneuries à l’aurore du XXIe siè­cle. Mon­tréal, Les Édi­tions de l’Homme, 2001, 416 p. 465.

Lessard, Michel. La Nou­velle Ency­clopédie des antiq­ui­tés du Québec. Mon­tréal, Les Édi­tions de l’Homme, 2007, 1103 p.

 

Pour aller plus loin

Berg­eron, Yves et René Bouchard. « Michel Lessard (1942–2022). Un fab­uleux his­to­rien de la cul­ture pop­u­laire ». Rabas­ka, vol. 20, 2022, p. 248–250. https://doi.org/10.7202/1093904ar

Bouchard, René. « Signé « Lessard ». Rabas­ka, vol. 17, 2019, p. 197–248. https://doi.org/10.7202/1066016ar

Lessard, Michel. « Le temps des sucres. De l’expérience famil­iale au regard eth­no-ciné­matographique ». Rabas­ka, vol. 15, 2017, p. 123–129. https://doi.org/10.7202/1041121ar

Galassi­ni, Anna-Lou. « Michel Lessard. Le pat­ri­moine québé­cois inscrit dans la grande his­toire ». Rabas­ka, vol. 18, 2020, p. 275–280. https://doi.org/10.7202/1072919ar

 

Image à la une : Michel Lessard inter­ro­geant Roland Létourneau sur le plateau du film La grange-étable au pays de l’hiver, 1978. Fonds Michel Lessard, pho­to de Gaé­tan Brault.

 

Crédits

Rédac­tion : Lau­rence Provencher-St-Pierre

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