Hélène Raymond remporte le prix Jean-Simard 2025

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Le 21 octo­bre 2025

La Société québé­coise d’ethnologie (SQE) a décerné le prix Jean-Simard 2025 le 19 octo­bre dernier, lors d’un événe­ment tenu au Domaine de Maiz­erets en présence d’une quar­an­taine d’in­vités.

Créé par la SQE en 2024, le prix couronne des pro­jets qui met­tent à l’honneur la démarche eth­nologique et soulig­nent son immense apport au pat­ri­moine cul­turel. Face au suc­cès du prix lors de sa pre­mière édi­tion et à la diver­sité des can­di­da­tures reçues, la SQE a décidé de créer deux volets et de récom­penser en alter­nance, d’une année à l’autre, des pro­jets indi­vidu­els ou insti­tu­tion­nels. Cette deux­ième édi­tion était donc réservée aux can­di­da­tures indi­vidu­elles (per­son­nes et groupes de per­son­nes).

Comme l’année dernière, le jury a eu un beau défi devant lui. Artistes, col­lec­tion­neurs, gens de méti­er et pas­sion­nés se sont recon­nus dans la philoso­phie du prix Jean-Simard, met­tant l’accent sur la recherche de ter­rain, la dif­fu­sion et l’engagement social. Les dossiers ont mis en avant le ciné­ma direct, l’art pop­u­laire, les tra­di­tions et les ter­ri­toires du Québec, ce qui démon­tre que la démarche eth­nologique s’inscrit dans des thé­ma­tiques et champs var­iés. Nous félici­tons les can­di­dats qui s’approprient cha­cun à leur manière cette démarche.

À la suite d’un exa­m­en rigoureux des dossiers et de nom­breuses dis­cus­sions, deux pro­jets se sont par­ti­c­ulière­ment démar­qués. Le jury est fier de remet­tre le prix Jean-Simard 2025 à Hélène Ray­mond pour son livre Por­traits du Saint-Lau­rent : his­toire des pêch­es et réc­its mar­itimes, et de nom­mer Bruno Bou­lianne final­iste pour son film Machine de rêve, deux pro­jets hon­o­rant la vie et les savoir-faire autour du fleuve Saint-Lau­rent.

 

Portraits du Saint-Laurent, Histoire des pêches et récits maritimes, par Hélène Raymond

Por­traits du Saint-Lau­rent : his­toire des pêch­es et réc­its mar­itimes, par Hélène Ray­mond (Édi­tions Mul­ti­Mon­des, 2024).

L’ouvrage Por­traits du Saint-Lau­rent : his­toire des pêch­es et réc­its mar­itimes, pub­lié en mars 2024 aux Édi­tions Mul­ti­Mon­des, offre une plongée dans l’univers de la pêche com­mer­ciale sur le Saint-Lau­rent. Grâce à un impor­tant tra­vail de ter­rain, Hélène Ray­mond nous ouvre sur un monde mécon­nu, bien qu’omniprésent dans l’histoire et le paysage du Québec, celui des gens qui pêchent et celui des espèces pêchées. Puisant dans son expéri­ence de jour­nal­iste à Radio-Cana­da, l’autrice souhaitait com­pren­dre et expli­quer les con­flits de juri­dic­tions, les ten­sions régionales et entre groupes de pêcheurs. Le résul­tat est un livre unique de neuf chapitres, bril­lam­ment illus­tré, qui mêle témoignages, his­toire et sci­ence.

Le jury souligne notam­ment la grande qual­ité de l’analyse et du réc­it, ain­si que le car­ac­tère très instruc­tif de l’ou­vrage, dans une volon­té presque ency­clopédique. Grâce à ce long ter­rain ain­si qu’à une approche sen­si­ble et respectueuse, Hélène Ray­mond rend compte des liens qui unis­sent les per­son­nes à leur ter­ri­toire, ain­si qu’aux autres espèces qui l’habitent. L’ouvrage traite en effet autant des pra­tiques pro­fes­sion­nelles de la pêche que de l’aspect sci­en­tifique du pat­ri­moine mar­itime. Le jury ne peut que saluer cette démarche et a été impres­sion­né par la vasti­tude du ter­rain cou­vert, du Bas-Saint-Lau­rent aux Îles-de-la-Madeleine, en pas­sant par la Gaspésie et la Côte-Nord. L’autrice a égale­ment été habitée par l’apport des femmes et a réus­si à retrac­er cette dimen­sion sou­vent invis­i­ble. En plus d’être un mag­nifique objet mêlant témoignages et images-témoignages, le pro­duit final se démar­que par sa grande actu­al­ité, qui rend compte tant de la richesse que de la fragilité de ce pat­ri­moine. Engagée par ailleurs dans de nom­breux dossiers envi­ron­nemen­taux, agri­coles et ali­men­taires, Hélène Ray­mond redonne, avec ce livre, une fierté à une com­mu­nauté éten­due autour du fleuve et sen­si­bilise les con­som­ma­teurs aux défis et savoir-faire entourant les ali­ments issus de la pêche. Le pro­jet démon­tre à quel point la démarche eth­nologique peut être ori­en­tée vers l’avenir et s’inscrire dans des ques­tions économiques et écologiques.

 

Machine de rêve, par Bruno Boulianne

Affiche du film Machine de rêve (Les Films du 3 mars, 2025).

Sor­ti en salle le 14 mars 2025, Machine de rêve est un long-métrage doc­u­men­taire qui nous fait suiv­re la con­struc­tion d’un can­ot à glace dans la tra­di­tion de l’archipel de L’Isle-aux-Grues. Le pro­jet s’inscrit dans la suite de la car­rière de Bruno Bou­lianne con­sacrée à filmer le réel, à explor­er et à saisir les ter­ri­toires. Le cinéaste a en effet ren­con­tré le sportif et can­oti­er Kevin Gag­né, un des pro­tag­o­nistes, lors de ses nom­breux séjours à l’Isle-aux-Grues pour un précé­dent film. L’idée de con­stru­ire cette « machine de rêve » a peu à peu ger­mé et ils ont pu compter sur l’appui de Ray­mond Lachance, ancien pêcheur et habile menuisi­er.

Le jury tient à recon­naître la démarche de ter­rain et la rela­tion de con­fi­ance et de com­plic­ité que Bruno Bou­lianne a su créer avec les habi­tants. Asso­cié à un impor­tant tra­vail doc­u­men­taire, le film vise à assur­er la péren­nité et la trans­mis­sion d’un geste sécu­laire men­acé. La volon­té de faire revivre et de com­pren­dre la tra­di­tion fait du can­ot un élé­ment nar­ratif qui per­met de saisir l’histoire des pro­tag­o­nistes et du ter­ri­toire. Dans une démarche d’ethnologie de sauve­tage, Machine de rêve réac­tu­alise le passé et per­met un tra­vail de réminis­cence. Depuis le début de la con­struc­tion du can­ot jusqu’à sa mise à l’eau, le pro­jet s’est révélé fédéra­teur et généra­teur de fierté pour la com­mu­nauté. L’emballement des témoins et des par­tic­i­pants est d’ailleurs pal­pa­ble. Le jury a été par­ti­c­ulière­ment sen­si­ble à l’aspect de trans­mis­sion intergénéra­tionnelle que le film illus­tre et porte à la fois. Cette nom­i­na­tion de Bruno Bou­lianne en tant que final­iste du prix hon­ore un pro­jet qui s’inscrit dans une dou­ble tra­di­tion, celle des savoir-faire autour des can­ots à glace et celle du ciné­ma québé­cois à car­ac­tère eth­nologique.

 

Membres du jury

Pour sa deux­ième édi­tion, le jury du prix Jean-Simard était com­posé de Benoit Vail­lan­court (prési­dent), Jean-François Blanchette, Richard Dubé, Léa Le Calvé (rap­por­teuse) et Marie Renier.

 

Image à la une : Remise du prix Jean-Simard 2025 à Hélène Ray­mond, le 19 octo­bre 2025 au Domaine de Maiz­erets. De gauche à droite : Jean-François Blanchette (prési­dent de la SQE), Benoit Vail­lan­court (prési­dent du jury), Hélène Ray­mond et Jean Simard. Pho­to : Marie Renier.

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