Félicitations à Jean-Pierre Pichette, le lauréat 2013 de la Médaille Marius-Barbeau. Cette médaille a été remise dans le cadre de la 37e rencontre annuelle de l’Association canadienne d’ethnologie et de folklore (ACEF) qui s’est tenue à Corner Brook, à Terre-Neuve, du 17 au 19 juin 2013.
Voici le texte intégral paru dans le Bulletin de l’ACEF. Le Bulletin est une publication annuelle distribuée aux membres de l’ACEF lors de l’Assemblée générale annuelle.
LA MÉDAILLE MARIUS-BARBEAU POUR 2013 : JEAN-PIERRE PICHETTE
L’ethnologue Jean-Pierre Pichette, récipiendaire de la médaille Marius-Barbeau pour 2013, a contribué à la discipline en tant qu’enseignant, chercheur de terrain, directeur de projets, auteur et éditeur. L’espace accordé dans ce Bulletin ne suffit pas pour énumérer tous ses accomplissements : la quantité et la qualité de ses travaux, ses publications et ses collaborations étonnent autant par leur diversité que par leur érudition. Ceux-ci se distinguent également par leur fidélité remarquable aux principes fondateurs des études du folklore en Amérique française.
Formé en ethnologie à l’Université Laval, (maîtrise en 1974, doctorat en 1985, études postdoctorales en 1992), Jean-Pierre Pichette a étudié le conte populaire sous la direction de Luc Lacourcière. Ses travaux académiques ont mené à trois publications qui reflètent sa passion pour la tradition orale et l’étude de ce domaine : son mémoire de maîtrise, publié sous le titre Guide raisonné des jurons (Les Quinze, 1980) mettait en valeur une forme négligée du patrimoine oral francophone; sa thèse L’Observance des conseils du maître (PUL, 1991) établissait sa réputation comme expert sur le conte populaire. Le résultat de ses études postdoctorales, Le Répertoire ethnologique de l’Ontario français (PUO, 1992), demeure un outil indispensable pour quiconque s’intéresse au patrimoine traditionnel de la population franco-ontarienne. Après avoir été chargé de cours à l’Université Laval de 1978 à 1981, Jean-Pierre se retrouva à l’Université de Sudbury, où il devint directeur du département de Folklore et ethnologie de l’Amérique française en 1983. Pendant les vingt prochaines années, il développa le programme d’enseignement des cours en direct et par correspondance, introduisant toute une génération d’étudiants aux études folkloriques et aux enquêtes de terrain. Il eut aussi la prévoyance d’établir les Archives de folklore et d’ethnologie de l’Université de Sudbury qui, suite à ses débuts modestes, compte aujourd’hui plus de 2 000 collections et est devenu un fonds incontournable pour l’étude de la langue et la culture franco-ontarienne. Il quitta Sudbury en 2004 pour assumer la Chaire de recherche en oralité des francophonies minoritaires d’Amérique à l’Université Sainte-Anne, où il mena à terme plusieurs projets d’envergure avant sa retraite en 2011.
En plus des trois livres mentionnés ci-haut, Jean-Pierre a publié extensivement tout au long de sa carrière, signant plus de 100 articles, une quarantaine de préfaces et une soixantaine de chapitres de livres. Il est bien apprécié comme collaborateur et éditeur, ayant dirigé, entre autres, les ouvrages collectifs L’oeuvre de Germain Lemieux (Prise de parole, 1993), Entre Beauce et Acadie (Études offertes au professeur Jean-Claude Dupont) (PUL 2001), Le Patrimoine religieux de la Nouvelle-Écosse. Signes et paradoxes en Acadie (Port Acadie, no 10–11-12, 2007), La Résistance des marges (Port Acadie, no 13–14-15, 2009), L’Édition des contes de tradition orale. Pour qui ? Comment ? (Port Acadie, no 16–17, 2010). Il a codirigé, avec Gaétan Gervais, le Dictionnaire des écrits de l’Ontario français (PUO, 2010). Il est membre fondateur de la Société Charlevoix et éditeur des Cahiers Charlevoix (9 numéros parus, 1995–2012), a été éditeur de la collection « Mémoires d’homme » aux éditions Quinze à Montréal (1978–1990 : onze titres parus). Il oeuvre toujours comme directeur de la section « ethnologie» des « Cahiers des Amériques » aux éditions du Septentrion de Québec et de la collection « Les Archives de folklore » fondée par Luc Lacourcière aux Presses de l’Université Laval. En 2002, percevant un manque dans la littérature savante consacrée aux recherches sur le patrimoine des francophones d’Amérique, il fonda la revue Rabaska, qui vient de publier son 10e numéro.
L’esprit collaborateur de Jean-Pierre est bien en évidence dans le grand nombre de colloques, journées d’études et projets de recherche qu’il a initiés ou dirigés, entre autres avec ses collègues à l’Université de Bretagne à Brest. Sa longue association avec le Centre franco-ontarien de folklore (fondé par Germain Lemieux) a contribué au développement de cet organisme comme chef de file en matière patrimoniale; entre autres il a conçu et dirigé l’Inventaire du patrimoine franco-ontarien, projet provincial mené par le CFOF de 1991 à 1994.
Avant et au-delà de toutes ses autres activités, Jean-Pierre est un homme de terrain : la centralité du terrain d’enquête pour la pratique ethnologique est un des fils conducteurs dans son oeuvre, que ce soit dans ses recherches personnelles ou dans l’initiation d’étudiants au terrain. Lors de ses nombreux périples, il s’est toujours fait un honneur de rencontrer des gens de la communauté locale et de les interroger sur des aspects de leurs traditions orales. C’est ainsi qu’il est venu à effectuer des enquêtes parmi les francophones dans toutes les provinces canadiennes (sauf à Terre-Neuve, lacune qui sera sans doute comblée à l’occasion de son séjour à Corner Brook). Le corpus considérable rassemblé au cours des dernières décennies est maintenant l’objet d’un nouveau projet de publication, ÉCLORE (Édition d’un corpus de contes populaires de l’Amérique française), que nous attendons avec impatience.
Il convient parfaitement à l’ACEF de décerner la Médaille Marius-Barbeau à Jean-Pierre Pichette, ethnologue qui a toujours oeuvré dans les sillons de Barbeau et Lacourcière, tout en défrichant de nouvelles terres et en ouvrant de nouveaux champs d’enquête. Jean-Pierre Pichette a toujours reconnu l’importance de la tradition, même au coeur de la démarche ethnologique. Dans le premier numéro de Rabaska, il cite Luc Lacourcière, qui proposait « comme objet d’étude le folklore des Français d’Amérique, dans son état actuel, ses sources européennes, ses créations, ses rapports avec les civilisations indiennes et saxonnes, ses modifications, et dans son caractère indéniable de signe ethnique ». Jean-Pierre a bien suivi cette piste, a fait avancer le projet énormément et a ouvert plusieurs routes pour les ethnologues de l’avenir.»
Image à la Une : Jean-Pierre Pichette