21 février 2018 |
Notre collègue Jean-Pierre Pichette vient de remporter un prix remarquable dans le panthéon dressé à la gloire des grandes figures de l’ethnologie et du folklore. Après la Médaille Luc-Lacourcière (1991) et la Médaille Marius-Barbeau (2013), notre ami et ancien président de la Société québécoise d’ethnologie s’est mérité en effet un très beau et rare tiercé en recevant, le 17 février 2018, la plus haute récompense de l’Ontario francophone en matière de patrimoine, le 16e prix Le Billochet du jongleur, institué en hommage au père Germain Lemieux.
Ce prix prestigieux, remis depuis 2002 par le Centre franco-ontarien de folklore fondé par le célèbre folkloriste, témoigne du « mérite particulier d’une personne […] qui aura fait une contribution exceptionnelle pour la reconnaissance, la sauvegarde ou la mise en valeur du patrimoine oral franco-ontarien». Dans son allocution à l’occasion du Souper du patrimoine couronnant cette célébration, le lauréat a confessé que ce prix le touchait sincèrement, car, dit-il, «il me ramène aux vingt-trois belles années passées à l’Université de Sudbury au cours desquelles j’ai tenté à ma façon de contribuer à l’oeuvre du fondateur Germain Lemieux ».
Pour celui qui a toujours reçu avec modestie les honneurs qui lui sont accordés, et qui a préféré de loin relever avec une rare énergie les défis exigeants d’une carrière universitaire vouée à l’enseignement et à la recherche, cette contribution aura été marquée par des réalisations et un parcours hors du commun, que l’Université de Sudbury a voulu reconnaître en lui attribuant en 2014 un doctorat honoris causa pour l’ensemble de son oeuvre.
Son collègue Marcel Bénéteau, dans l’éloge qu’il lui fit à cette occasion, a rappelé l’essor sans précédent qu’ont connu les études franco-ontariennes sous l’impulsion de Jean-Pierre, alors qu’il occupait la direction du département de folklore et ethnologie de l’Amérique française de l’université (1983–2004). Il y constituera en outre des Archives de folklore réputées pour leur « richesse inestimable pour les chercheurs, les étudiants et la communauté francophone », ajoute Marcel Bénéteau. Grâce à la plume de Jean-Pierre ou sous sa direction éclairée, des projets d’envergure seront devenus des références incontournables pour l’étude de l’Ontario français, tels Le Répertoire ethnologique de l’Ontario français (1992), Habiter le pays. L’Inventaire du patrimoine en Ontario français (2001) et le Dictionnaire des écrits de l’Ontario français (1613–1993) (2010). Il aura joué de plus un rôle exemplaire d’animateur intellectuel en fondant et dirigeant des revues de haut calibre, comme la Revue du Nouvel-Ontario (1982–1988) ou les Cahiers Charlevoix (11 vol. de 1995 à 2016).
Depuis l’annonce de cet hommage, de nombreuses voix se sont levées pour souligner l’honneur rendu à Jean-Pierre. Citons, entre autres, Michel Morin, ancien Chef des services français de Radio-Canada (section Ontario), ancien président du Centre franco-ontarien de folklore et premier lauréat de ce prix, qui affirme avec conviction : « On me jugera téméraire de hisser l’ethnologue Jean-Pierre Pichette au rang des Marius Barbeau, Luc Lacourcière ou du père Germain Lemieux. Pourtant, j’en suis convaincu. Jean-Pierre est un scientifique hors norme, dont la détermination et l’assiduité à son domaine d’expertise ne se démentent pas. Ses nombreux articles et publications en témoignent. Curieux, sans cesse passionné par ses recherches scientifiques, Jean-Pierre Pichette l’est tout autant à l’égard des médias traditionnels et électroniques qui permettent l’expression, l’usage et la transformation des us et coutumes des populations francophones. En ce 25e anniversaire du Souper du patrimoine du Centre franco-ontarien de folklore, lui remettre le Prix ontarien du Billochet du jongleur revêt, en plus d’un honneur dûment mérité, la reconnaissance de son ineffable engagement. Il faut le connaître pour comprendre. »
Jean Simard, récipiendaire du prix du Québec Gérard-Morisset 2017 en patrimoine, n’a eu pour sa part que des hommages à adresser au récipiendaire du Billochet du jongleur 2018 : «Qui plus que toi mérite ce prix ?», lui a‑t-il écrit pour féliciter son ami qui fut aussi depuis 2003 son compagnon de route dans la création et la production annuelle de Rabaska, revue d’ethnologie de l‘Amérique française, aventure scientifique sans équivalent dans les annales québécoises et canadiennes dont Jean-Pierre est l’artisan principal.
Qu’ajouter de plus à ce concert de louanges méritées ? Cet insigne honneur qu’on attribue à Jean-Pierre Pichette nous remplit de fierté et d’admiration. Il nous renvoie en même temps aux exigences très hautes de la science ethnologique, qui auront guidé le lauréat tout au long d’une fructueuse carrière et alimenté sa vision profonde d’une ethnologie de l’Amérique française : «Je me suis efforcé de servir la discipline par l’enquête sur le terrain, par l’enseignement dans les marches françaises du Canada », avouera-t-il. À l’instar du père Germain Lemieux qu’il a si bien secondé, Jean-Pierre Pichette aura su, lui aussi, anticiper l’avenir en portant son oeuvre plus haut et plus loin, pour le grand bénéfice de ses compatriotes et de notre société. Merci Jean-Pierre.
René Bouchard
SQE/19 février 2018
On lira avec intérêt l’article de Julien Cayouette paru dans Le Voyageur de Sudbury : http://www.lavoixdunord.ca/index.php/component/k2/item/4380-billochet-du-jongleur-2017-remis-a-jean-pierre-pichette
Photographie à la une : Jean-Pierre Pichette recevant Le Billochet du jongleur 2017 des mains de la lauréate de 2016, Diane Charrette-Lavoie. Photo : Léo Duquette, Concepts médiatiques, Sudbury, 2018.