Le 12 avril 2024
Ce portrait est tiré de celui préparé par Ronald Labelle intitulé « Portrait. Père Anselme Chiasson » et publié initialement dans la revue Rabaska (vol. 2, 2004, p. 119–155).
Le père Anselme Chiasson est un pionnier de la collecte et de la diffusion de la culture acadienne. Né le 3 janvier 1911, à Chéticamp au Cap-Breton, il reçoit le prénom de Charles, mais répond au surnom de Charlie. Il est le quatrième enfant d’une famille de neuf. Élève doué, il fréquente d’abord l’école de rang près de chez lui, puis le couvent situé au havre de Chéticamp, à quelques kilomètres plus loin. Après le décès de sa mère en 1925, il s’installe chez son grand-père paternel, près du couvent, pour poursuivre ses études.
Charlie est un enfant renfermé et sensible qui nourrit le désir de devenir prêtre. Il s’inscrit au Collège séraphique des capucins, à Ottawa, en 1927. Il a alors seize ans et il s’agit de la première fois qu’il quitte Chéticamp. En 1931, il entre au noviciat des capucins situé à Limoilou. Il prononce sa profession religieuse l’année suivante. Au moment de choisir son nom religieux, il opte pour Anselme, en hommage à son frère cadet qui est décédé de la tuberculose et qui lui avait confié « offrir sa vie » pour sa vocation.
Anselme Chiasson est ordonné prêtre en 1938. Il est sélectionné pour aller poursuivre des études à Rome. Toutefois, le début de la Seconde Guerre mondiale l’empêche de réaliser ce projet et il se retrouve plutôt à la Chapelle de la Réparation, à Montréal, où il enseigne la théologie de 1940 à 1946. C’est à cet endroit qu’il renoue avec son cousin, le père Daniel Boudreau, également originaire de Chéticamp. Musicien, Daniel Boudreau s’intéressait aux chants traditionnels et avait collecté des centaines de chansons de leur région natale, incluant celles de leur grand-mère commune. Les deux cousins entreprennent dès lors de les publier. Le père Daniel transcrit la musique, tandis qu’Anselme, reconnu pour ses talents artistiques, s’occupe de la rédaction des textes et des illustrations. Le premier recueil de Chansons d’Acadie comprend 25 pièces et est publié en 1942. Ce travail amène d’ailleurs les deux cousins à rencontrer l’anthropologue Marius Barbeau et à chanter pour lui. Devant la popularité que connaissent les premiers recueils de la série Chansons d’Acadie, Anselme Chiasson mesure l’importance de son travail de diffusion du folklore acadien. Toutefois, de 1946 à 1957, diverses fonctions l’empêchent de s’y consacrer pleinement. Au cours de cette période, il est nommé successivement supérieur du couvent de Cacouna, curé de la paroisse Saint-François d’Assise d’Ottawa, professeur de théologie à la Chapelle de la Réparation de Montréal et supérieur du couvent de Vallée-Lourdes à Bathurst.
En 1958, il devient supérieur du nouveau couvent des capucins à Moncton et entame une nouvelle étape dans sa carrière de folkloriste. En effet, de la fin des années 1950 jusqu’au milieu des années 1970, Anselme Chiasson est particulièrement impliqué dans l’étude et la diffusion du folklore acadien. À l’invitation de Carmen Roy, ethnologue rattachée au Musée de l’Homme d’Ottawa, ainsi que de Monseigneur Félix-Antoine Savard et Luc Lacourcière des Archives de folklore de l’Université Laval, il réalise de nombreuses enquêtes ethnographiques au Nouveau-Brunswick et aux Îles-de-la-Madeleine. Il y recueille un millier de chansons et des centaines de contes et de légendes. Il fonde également sa propre maison d’édition, Les Éditions Aboiteaux, avec laquelle il publie notamment Chéticamp, histoire et traditions acadiennes (1961), L’île de Shippagan. Anecdotes, tours et légendes (1967) et Les Légendes des Îles-de-la-Madeleine (1969). Il participe étroitement à la fondation de la Société historique acadienne et s’implique activement au journal L’Évangéline. Enfin, à la suite de la fermeture du juvénat des capucins à Moncton, il travaille au Centre d’études acadiennes (qui porte aujourd’hui le nom de Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson) où il occupe successivement les postes d’archiviste et de directeur à partir de 1966.
Lorsqu’il prend sa retraite et quitte le Centre en 1976, Anselme Chiasson, infatigable, choisit de se consacrer à ses nombreux projets d’écriture et à la publication d’une douzaine d’ouvrages. En reconnaissance de son travail et de sa contribution exceptionnelle à la valorisation de la culture acadienne, il reçoit de nombreux honneurs. En 1976, il devient membre de l’Ordre du Canada. Il reçoit un doctorat honoris causa de l’Université de Moncton la même année et un autre de l’Université Sainte-Anne en 1978. En 1980, il est nommé Folkloriste de l’année par l’Association canadienne d’ethnologie et de folklore qui lui décerne également la Médaille Marius Barbeau en 1996. Puis, en 2004, il est élevé au rang d’Officier de l’Ordre du Canada. Anselme Chiasson décède le 25 avril 2004 à la maison mère de la Fraternité des capucins à Montréal.
Crédits
Rédaction : Laurence Provencher-St-Pierre
Révision : Louise Décarie
Image à la une : Le Père Anselme près du littoral aux abords de Chéticamp. Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson (P213-A14)
Quelques références
Chiasson, Anselme et Daniel Boudreau, Chansons d’Acadie, 1ière série. Montréal, La Réparation,1942, 32 p.
Chiasson, Anselme et Daniel Boudreau, Chansons d’Acadie, 2e série. En collaboration avec Daniel Boudreau, Montréal, La Réparation, 1945, 53 p.
Chiasson, Anselme et Daniel Boudreau, Chansons d’Acadie, 3e série. En collaboration avec Daniel Boudreau, Montréal, La Réparation, 1946, 52 p.
Chiasson, Anselme, Chéticamp : histoire et traditions acadiennes. Préface de Luc Lacourcière, Moncton, Éditions des Aboiteaux, 1961, 317 p.
Chiasson, Anselme et Francis Savoie, L’île de Shippagan. Anecdotes, tours et légendes. En collaboration avec Francis Savoie, Moncton, Éditions des Aboiteaux, 1967, 95 p.
Chiasson, Anselme, Les Légendes des Îles-de-la-Madeleine. Moncton, Éditions des Aboiteaux, 1969,123 p.
Chiasson, Anselme, « L’Inventaire général des sources documentaires sur les Acadiens », Les Cahiers de la Société historique acadienne, vol. 8, n° 2, mai 1975, p. 151–153.
Pour aller plus loin
Labelle, Ronald. « Notice biographique ». Rabaska, vol. 2, p. 119–121. https://doi.org/10.7202/201649ar
Labelle, Ronald. « Les Mémoires du père Anselme Chiasson ». Rabaska, vol. 2, 2004, p. 123–148. https://doi.org/10.7202/201650
Labelle, Ronald. « Bibliographie du père Anselme Chiasson ». Rabaska, vol. 2, 2004, p. 149–155. https://doi.org/10.7202/201651a
Labelle, Ronald. « Daniel Boudreau (1917–2015) ». Rabaska, vol. 14, 2016, p. 194–196. https://doi.org/10.7202/1037459a
2 commentaires
Merci pour ce bel article.
Le père Anselme Chiasson a été, pour l’Atlas linguistique de l’Est du Canada, un très utile conseiller dans le choix des personnes à rencontrer comme informateurs linguistiques du pays acadien des Maritimes. Avec la référence de cet homme connu, trouver des « témoins » accueillants et intéressants devenait ainsi partout plus facile, de la Baie Sainte-Marie (N.É.) à Baie Egmont (Î.-P.-É.) pour les deux « Québécois enquêteurs « que nous étions, Ghislain Lapointe et moi. Gaston Bergeron