Hommage à Thomas Fecteau, pilote de brousse

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De gauche à droite: Bernard Gen­est, Louise Décarie, madame Pauline Vachon, prési­dente de la SHNB, Thomas Fecteau, récip­i­endaire du cer­ti­fi­cat de recon­nais­sance, Jean Simard, vice-prési­dent de la SQE, mon­sieur Gaé­tan Vachon, maire de Sainte-Marie. Pho­to : Claire Desmeules

C’est env­i­ron cent per­son­nes qui se sont rassem­blées, same­di le 30 sep­tem­bre 2017, au Musée de l’aviation de Sainte-Marie pour ren­dre hom­mage à Thomas Fecteau, pio­nnier de l’aviation civile au Québec. L’événement se ten­ant dans le cadre des Journées de la cul­ture, plusieurs vis­i­teurs se sont joints aux invités, à la famille, aux amis du récip­i­endaire et aux mem­bres de la Société québé­coise d’ethnologie (SQE) et de la Société his­torique de Nou­velle-Beauce (SHNB) pour assis­ter à la céré­monie.

Rap­pelons que Thomas Fecteau, auteur de Au-delà du 48e par­al­lèle, mémoires d’un pilote de brousse du Québec pub­lié en 2009, a pra­tiqué pen­dant 37 ans une car­rière hors du com­mun dans l’aviation civile. Celle-ci peut se partager en trois grandes péri­odes. Durant les années d’après-guerre, le jeune « avi­a­teur », comme on dis­ait à l’époque, licences de pilote com­mer­cial et de mécani­cien en main, entre au ser­vice de A. Fecteau Trans­port Aérien, une com­pag­nie appar­tenant à son oncle, basée à Sen­neterre, en Abitibi.

Thomas Fecteau devant son avion Otter en 1953. Pho­to : Cour­toisie de la Société his­torique de Nou­velle-Beauce

C’est l’époque héroïque du « pilote de brousse » qui, été comme hiv­er, beau temps mau­vais temps, aux com­man­des d’un Fox Moth, d’un Cess­na, d’un Otter, d’un Junkers ou de « son » Norse­man – le mod­èle qu’il préférait –, sur­v­ole les ter­ri­toires non organ­isés du nord du Québec. Au sens où l’entend Thomas Fecteau, « le pilote de brousse est celui qui a piloté des appareils sans l’aide d’aucun instru­ment de vol ou de com­mu­ni­ca­tion, “à vue” ou “à l’estime”, sur des ter­ri­toires éloignés de toute civil­i­sa­tion autre que celle des autochtones, seul aux com­man­des de son appareil. » Cette péri­ode de sa vie (1947–1955), racon­te-t-il, a été dif­fi­cile mais exal­tante parce que « rem­plie d’aventures divers­es et de faits inusités, excep­tion­nels et extra­or­di­naires. Après la nais­sance de son pre­mier enfant, le pilote, con­fron­té à ses respon­s­abil­ités famil­iales, ori­ente sa car­rière vers le vol de ligne avec la com­pag­nie Québe­cair (1955–1960) dont la base était située à Rimous­ki. Un change­ment majeur qui l’amène à com­pléter sa for­ma­tion de façon à pou­voir pilot­er des avions beau­coup plus sophis­tiqués comme les Dou­glas DC‑3, les Fairchild F‑27, les Canadair CL-215 ou même des avions à jet comme le DH-125. Affec­té à la ligne Mon­tréal-Sept-Îles-Schef­ferville-Québec-Mon­tréal, il par­ticipe égale­ment à la con­struc­tion des lignes de radar nordique Dew Line et Mid-Cana­da. Par la suite, il pour­suit et ter­mine sa car­rière comme chef pilote du Ser­vice aérien gou­verne­men­tal (1960 à 1984) où il embrasse la cause du français dans les airs en sou­tenant son per­son­nel dans leur com­bat et en par­tic­i­pant active­ment à la for­ma­tion d’une relève en français.

Recon­nu par ses pairs, Thomas Fecteau a reçu plusieurs dis­tinc­tions dont le Prix Roger-Demers de l’Association des gens de l’air du Québec en 1992; l’Intronisation au Pan­théon de l’air et de l’espace du Québec en 2008; et Hom­mage à des pio­nniers de l’aviation civile du Cen­tre d’interprétation des pio­nniers de l’aviation en 2009. Il est aus­si la vedette du très beau film du réal­isa­teur Denis Boivin, L’amour a des ailes, pro­duit par Dionysos Inc. en 2015, doc­u­men­taire que la SQE a d’ailleurs présen­té au Musée de la civil­i­sa­tion dans le cadre de son pro­gramme de ciné-ren­con­tres en 2016.

Mot de bien­v­enue de madame Pauline Vachon. Pho­to : Claire Desmeules

Madame Pauline Vachon, prési­dente de la SHNB, a pronon­cé le mot de bien­v­enue, suivi du maire de Sainte-Marie, mon­sieur Gaé­tan Vachon. Celui-ci a félic­ité le lau­réat et a prof­ité de l’occasion pour annon­cer le prochain dévoile­ment d’un mon­u­ment ren­dant hom­mage « aux mères oubliées », ces mères de pilotes, nav­i­ga­teurs, mécani­ciens et autres tra­vailleurs de l’aviation qui, à leur façon, ont con­tribué au développe­ment du Québec. Mon­sieur Vachon a pré­cisé que c’est Thomas Fecteau qui a offert les fonds néces­saires à l’installation de ce mon­u­ment.

Jean Simard, vice-prési­dent de la SQE, a ensuite pris la parole pour rap­pel­er la mis­sion de l’organisme qui est de pro­mou­voir l’ethnologie et de favoris­er la sauve­g­arde et la mise en valeur du pat­ri­moine eth­nologique tant au plan matériel qu’immatériel. Il a aus­si évo­qué les prin­ci­pales activ­ités de la Société dont la pro­duc­tion de Rabas­ka, seule revue d’ethnologie de l’Amérique française, dont le dernier numéro (vol. 15, 2017) con­tient juste­ment un arti­cle por­tant sur la car­rière de Thomas Fecteau.

Bernard Gen­est, lors de sa présen­ta­tion de Thomas Fecteau, récip­i­endaire, en présence de Louise Décarie. Pho­to : Claire Desmeules

Bernard Gen­est, mem­bre du comité organ­isa­teur de l’événement avec sa col­lègue Louise Décarie (dont fai­saient aus­si par­tie madame Pauline Vachon, prési­dente de la SHNB, et madame Ginette Dufour, adjointe à la direc­tion), a ensuite pris la parole pour présen­ter et remet­tre en main pro­pre à Thomas Fecteau, au nom de la SQE, un Cer­ti­fi­cat de recon­nais­sance, de même qu’un exem­plaire de la revue Rabas­ka 2017. Il a pré­cisé qu’en ren­dant hom­mage à Thomas Fecteau, la SQE voulait soulign­er sa con­tri­bu­tion excep­tion­nelle à l’enrichissement du pat­ri­moine cul­turel immatériel de l’aviation civile au Québec. L’ethnologue a rap­pelé la per­sis­tance de son engage­ment dans la trans­mis­sion de ce pat­ri­moine. Por­teur d’une tra­di­tion à la fois locale et famil­iale (Sainte-Marie est une pépinière de pilotes et le pilote est lui-même neveu de deux pio­nniers de l’aviation — Arthur et Joseph Fecteau -, père de François — com­man­dant de bord pour Air Transat — et grand-père de deux pilotes), Thomas Fecteau est un mail­lon de la chaîne de trans­mis­sion et un impor­tant agent trans­met­teur. Dans sa présen­ta­tion, Bernard Gen­est a aus­si rap­pelé l’importance des pilotes de brousse dans le développe­ment des ter­ri­toires isolés du Québec, insis­tant sur le fait que leur rôle est encore trop sou­vent mécon­nu. Il a rap­pelé que les pilotes de brousse, dont Thomas est un des derniers représen­tants, ont large­ment con­tribué au développe­ment social et économique du Québec mod­erne, ouvrant la voie à des régions inac­ces­si­bles autrement que par la voie des airs, sans compter les ines­timables ser­vices ren­dus aux pop­u­la­tions autochtones.

Hélène Fecteau, au nom de son père, a remer­cié la Société québé­coise d’ethnologie et le Musée de l’aviation de l’hommage qui lui était ain­si ren­du. Elle a expliqué que, pour son père, la trans­mis­sion du pat­ri­moine de l’aviation était un devoir, tant envers les généra­tions qui l’ont précédées, que pour celles qui suiv­ent.

La céré­monie s’est con­clue par un vin d’honneur. Les mem­bres de la famille du lau­réat, de même que l’ensemble des par­tic­i­pants ont dit avoir grande­ment appré­cié l’événement.

Source : Bernard Gen­est