À la une : Photo prise en 2010 dans le Palais de glace à l’occasion de l’exposition du Carnaval de Québec, présentant l’histoire de la course en canot. Sur le panneau, au centre, en 1958, l’on voit Joseph Lachance, de l’équipe gagnante « Biscuits Montmagny ». À sa gauche, son père et ancien canotier, Ligori Lachance. Devant : le petit fils de Joseph, Jimmy Lachance, avec ses enfants Joshua Lachance (dans ses bras) et Déreck Sergerie (Photo : Gracieuseté Jimmy Lachance)
16 janvier 2019 |
M. Joseph Lachance, l’aîné de l’illustre famille de navigateurs, de constructeurs de bateaux, de pêcheurs, de chasseurs et de canotiers à glace, grand porteur de traditions maritimes du Québec, nous a quittés pour l’ultime voyage, le 28 décembre 2018, à l’âge de 97 ans et quatre mois. Il demeurait à Montmagny.
Rappelons que la Société québécoise d’ethnologie avait rendu hommage à Joseph Lachance, à quatre de ses frères, ainsi qu’à deux autres anciens canotiers émérites des premières années de la course du Carnaval, le 5 mai 2012, dans le cadre de son programme de valorisation des porteurs de traditions, au Musée maritime du Québec — J.E. Bernier, à L’Islet. Ils avaient alors reçu un certificat de reconnaissance pour leur contribution à l’enrichissement du patrimoine culturel immatériel des Québécois. De plus, il a été l’un des porteurs de traditions retenus par la Ville de Montmagny, dans le cadre de la mise en valeur de son patrimoine immatériel, en 2013–2014.
Symbiose avec le fleuve
Originaire de l’île au Canot, située dans l’Archipel de L’Isle-aux-Grues, M. Lachance, ainsi que ses frères et sœurs, ont grandi en symbiose avec le fleuve Saint-Laurent, vivant une bonne partie de leur vie dans ce merveilleux coin de pays, qu’il aimait tant.
C’est en 1826 que l’ancêtre, Michel-Olivier Pépin dit Lachance, un cultivateur de l’île d’Orléans, acquiert l’île au Canot. Il y construit une maison et une étable et s’installe avec sa famille. Durant cinq générations, la famille Lachance vivra des fruits du fleuve — de pêche et de chasse à la sauvagine — et de ceux de leur terre, en quasi autarcie, jusqu’au milieu du 20e siècle. À cette époque, Joseph Lachance vient s’établir à Montmagny. Il vivra alors de pêche commerciale et de pourvoirie de chasse à la sauvagine. Il fonda aussi un petit chantier naval, spécialisé dans la construction de bateaux de pêche et de plaisance, qu’il lèguera à ses fils. Bien que ce genre de construction navale n’y soit plus pratiquée, certains de ses descendants oeuvrent toujours dans le domaine maritime, dont les croisières sur fleuve et la production des fameuses UMA-17, embarcations de sauvetage quatre saisons, conçues pour les conditions extrêmes et les eaux glacées du Saint-Laurent. Plus récemment, l’un de ses fils a fait un retour à l’île au Canot où l’on offre des forfaits de villégiature, d’expérience nature et de chasse, poursuivant ainsi la tradition familiale.
Le canot à glace
Navigateur et constructeur d’embarcations, Joseph Lachance, comme son père Ligori avant lui et leurs ancêtres avant eux, ont notamment construit des canots à glace. Rappelons qu’à compter de 1955, année de la première course en canot du Carnaval de Québec, M. Lachance et ses frères ont été, durant de nombreuses années, les champions de cette course rappelant le courage des valeureux canotiers d’autrefois.
Comme ses aïeux avant lui, toute sa vie, il a su transmettre son amour et les secrets du fleuve à ses enfants et petits-enfants. Il inspirera sans doute les générations suivantes qui, après lui, porteront aussi des traditions reliées au fleuve Saint-Laurent.
La Société québécoise d’ethnologie salue la valeur de Joseph Lachance à titre de grand porteur de traditions du Québec. Bon voyage M. Lachance. (R.L.)
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6 commentaires
Légendes canot : Napoléon Legendre en a aussi publié ce qui semble être une version de La tête à Pitre, intitulée «Les 13 canotiers décapités». Voir, p. 95 du livre mentionné.
Ce matin, 18 janvier, à 11 heures, ont eu lieu les funérailles tout en musique et en paroles touchantes de M. Joseph Lachance, auxquelles assistaient deux membres du conseil d’administration de la SQE. Dans des hommages bien sentis de l’une de ses filles et de l’un de ses petits-fils, ils nous ont rappelé la grande valeur de cet homme chaleureux et généreux. «Papa, nous avons vécu avec vous une histoire intense et fabuleuse avec le fleuve» a, entre-autres, dit sa fille Rita. Le prêtre célébrant a également rappelé l’ampleur de son legs immatériel en ce qui concerne non seulement tout ce qui a trait au patrimoine maritime, mais à la vie. C’était fort émouvant.
Très touchant commentaire. J’aurais aimé questionné monsieur Lachance sur les contes et les légendes traitant du métier de canotier.
Bonjour M. Lessard. — Le seul conte inventorié concernant le métier de canotier — La tête à Pitre — provient de Lévis. Il a été rendu public par le célèbre écrivain lévisien Louis Fréchette dans son recueil La Noël au Canada. Si quelqu’un en connait d’autres, locaux, je serais très intéressé à le savoir. Il existe aussi une belle chanson — Le «D’rivage» -, originaire de l’île aux Coudres, composée par Étienne Bouchard (année inconnue), qui raconte les mésaventures d’un équipage de canotiers lors d’une traverse dangereuse. Cette complainte, interprétée en 1961 par Marianne Dufour, a été magistralement reprise par Michel Faubert et Les Charbonniers de l’Enfer (2008), sous le titre La traverse miraculeuse. Voir le livre Naviguer en canot à glace, un patrimoine immatériel, Éd. GID, 2012, p. 94 à 98.
J’ai eu le grand privilège de rencontrer Monsieur Lachance dans le cadre de l’Inventaire du patrimoine immatériel de Montmagny que j’ai réalisé en 2013–2014. Quel homme fascinant! Nous venons de perdre un important porteur de traditions. Dommage!
Construction des canot à l’île aux Grues, à l’île aux Coudres ET à l’île au Canot (Joseph Lachance).