Ce condensé est tiré de l’article de Judith Douville publié initialement dans la revue Rabaska, volume 17, 2019, p. 85–99.
Les lacs, les rivières et le fleuve Saint-Laurent font partie de l’histoire du Québec et ont contribué au développement du territoire sur les plans économique et social. Pendant la période hivernale, ceux-ci devenaient un moyen de passage naturel et revêtaient une grande importance pour les villes séparées les unes des autres par des cours d’eau.
Autrefois, les ponts de glace bien organisés contribuaient grandement à la vie des habitants. Jacques Cartier fait une première description des glaces dans le récit de son second voyage en les décrivant avec une épaisseur telle qu’elles retenaient leurs navires captifs de novembre à avril. Les jésuites Charlevoix et LeJeune ainsi que Marie de l’Incarnation (1599–1672) parlent du fleuve Saint-Laurent comme un chemin naturel qui pouvait être utilisé l’hiver pour traverser. Les ponts de glace sont rapidement devenus très populaires, inspirant les marchands qui, non seulement faisaient affaire avec les voyageurs qui empruntaient fréquemment ces routes, mais aussi avec les marcheurs et les sportifs.
Des artistes du 19e siècle ont représenté sur toile des ponts de glace comme ceux entre Hochelaga et Longueuil, Québec et Lévis. Ces ponts ont été immortalisés par des photographes comme William Notman, notamment ses photos du fameux train entre Longueuil et Hochelaga, et par des stéréogrammes de Louis-Prudent Vallée montrant des gens y pratiquant des sports comme la marche. Il est également courant de trouver des peintres passionnés qui ont capté la beauté de ces routes éphémères.
Les traverses et les ponts de glace ont toujours été d’une importance primordiale pour les populations séparées par des cours d’eau, comme c’est le cas de Saint-Juste et autres municipalités qui sont séparées par le lac Témiscouata de Notre-Dame-du-Lac où les services essentiels ont été établis. En effet, le pont de glace sur ce lac permet aux habitants de la rive est de sauver 40 kilomètres pour se rendre à Notre-Dame-du-Lac, situé sur la rive ouest, pour y faire du commerce ou pour se rendre à l’hôpital. Aujourd’hui, les municipalités qui ont un pont de glace accordent une grande importance à la tradition hivernale et gardent précieusement sa vocation sociale, étant un lieu de rencontres et de festivités comme la traditionnelle course de lits sur patins et la traversée aux flambeaux qui attirent plus de 500 personnes sur le pont de glace pendant une fin de semaine à cet endroit.
L’un des plus grands défis concernant la préservation de ces ponts et traversées naturels est le réchauffement climatique. En effet, bon nombre de ces ponts de glace n’ont pas pu être utilisés à certains moments depuis le début du 21e siècle, ce qui est très préoccupant puisque la disparition totale de ceux-ci entraînera la perte des savoirs et savoir-faire — traditions issues de centaines d’années au Canada — et en conséquence la perte d’avantages sociaux et économiques des communautés concernées.
On peut lire l’article original de Judith Douville ici.
On peut se procurer un exemplaire de la revue Rabaska ici.
Crédits
Rédaction : Liz Pamela Fajardo
Révision : Louise Décarie
Mise en page : Marie-Ève Lord
Image à la une : Pont de glace sur le Saint-Laurent et vue sur la Citadelle (vue partielle).
Gravure d’après un dessin de J. Archer. Tiré du journal Illustrated Times, vol. 8, no 204, samedi 26 février 1859, p. 129. Coll. Ginette Garon