Notre ami et collègue Michel Lessard nous a malheureusement quittés trop vite. Rapidement, Le Devoir s’est empressé, sous la plume de Jean-François Nadeau, de faire paraître dans son édition numérique, le 8 avril dernier, un texte touchant sur celui que l’on présente comme le « défenseur du patrimoine ». Pour ceux qui souhaitent plonger plus à fond dans la vie de Michel, nous suggérons de lire le portrait publié par l’ethnologue René Bouchard dans la revue Rabaska (2019, vol. 17, p.197–248, disponible sur la plateforme électronique Érudit). Il est juste de préciser qu’il a tout au long de sa carrière défendu avec panache et détermination le patrimoine, mais il est important de rappeler qu’il a été un des pionniers de la recherche en histoire et histoire de l’art qu’il a abordée sous l’angle du patrimoine et de la culture populaire. Il s’est toujours dit fier de la culture québécoise qu’il a promue comme pas un, sans relâche, à travers ses publications, ses films, ses émissions radiophoniques, ses expositions, ses cours et ses conférences.
Après une décennie effervescente consacrée à la découverte du patrimoine au moyen de ses fameuses encyclopédies et de ses films qui ont suscité une immense ferveur populaire, Michel est engagé au département d’histoire de l’art de l’UQAM en 1978 où il ne tarde pas à démocratiser la recherche consacrée à la culture populaire. Rayonnant d’un savoir qui rejoint rapidement l’ensemble du Québec, il est aussi un professeur actif qui a la cote dans les médias, bien avant Internet. Il continue à signer des séries à la radio de Radio-Canada ainsi que des documentaires diffusés largement à la télévision. L’architecture traditionnelle, les objets anciens et l’histoire de la photographie le passionnent. Il travaille avec les grands du cinéma documentaire de l’ONF dont Fernand Dansereau. On ne saurait dans quelle catégorie le classer aujourd’hui mais une chose est certaine, il avait manifestement un profil atypique. Il a été à la fois professeur, conférencier, réalisateur, scénariste, auteur et commissaire d’expositions. Il a toujours été animé par le souci constant et tout à la fois pédagogique de rejoindre l’ensemble des citoyens. Pour lui, la défense du patrimoine passe avant tout par sa valorisation. Il le fait de manière exceptionnelle en publiant des livres spécialisés qui sont devenus des best-sellers, tels ses incomparables ouvrages sur L’Île d’Orléans, La nouvelle encyclopédie des antiquités du Québec et Québec éternelle . En réalité, Michel était un véritable spécialiste de la médiation avant même que la muséologie et le patrimoine ne s’en approprient le terme.
Avec notre collègue Jean-Pierre Pichette, nous préparons la publication des actes d’un colloque centré sur sa carrière en patrimoine, organisé par l’Institut du patrimoine et le département d’histoire de l’art de l’UQAM, ainsi que par la Société québécoise d’ethnologie. Cette journée d’étude, qui s’est déroulée en pleine tempête, a connu un succès étonnant, compte tenu de la météo, mais, n’en doutons pas, grâce certainement à la célèbre renommée de Michel. C’était quelques jours avant le début de la pandémie en février 2020. Nous le savions malade en raison de nos rencontres chez lui, sur le chemin des falaises à Lévis. Heureusement, on doit à France Rémillard, sa conjointe, Pierre Lahoud et le graphiste Jean-René Caron l’édition d’un livret de témoignages offert à Michel il y a quelques jours, intitulé Les Michel, tel que sa personnalité aux multiples visages pouvait se refléter en centaine d’éclats miroitants aux yeux de ses nombreux et fidèles auditoires.
Deux jours avant la cérémonie officielle de remise, Michel recevait des mains du lieutenant-gouverneur du Québec une médaille d’or pour souligner ses mérites exceptionnels. Aujourd’hui, ce n’est pas tant la médaille qui compte que son œuvre. Comme la Seine défilant sous le pont Mirabeau, elle traversera le temps.
Toutes nos pensées vont à sa conjointe, France Rémillard, à sa famille et à ses amis.
« Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine »Guillaume Apollinaire, Le pont Mirabeau
Yves Bergeron, département d’histoire de l’art, UQAM
René Bouchard, Société québécoise d’ethnologie
15 avril 2022
Crédits
Révision : Louise Décarie
Mise en page : Marie-Ève Lord
Image à la une : Michel Lessard à l’occasion de la remise du prix Gérard-Morisset dont il était le récipiendaire en 1996. Photographie de Robert Hébert