Marius Barbeau (1883–1969)

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Le 6 novem­bre 2023 | Ce por­trait est tiré de l’article de Jean-Pierre Pichette inti­t­ulé « Autour de l’œuvre de Mar­ius Bar­beau » et pub­lié ini­tiale­ment dans la revue Rabas­ka (vol­ume 13, 2015, p. 8–15). En 2014, la Société québécoise d’eth­nolo­gie (SQE), la Société d’histoire de Charlevoix, le Cen­tre de recherche sur l’histoire et le pat­ri­moine de Charlevoix et la Chaire de recherche du Cana­da en oral­ité des fran­coph­o­nies minori­taires d’Amérique (COFRAM, Uni­ver­sité Sainte-Anne) ont organ­isé un col­loque inter­na­tion­al ayant comme titre « Présence de Mar­ius Bar­beau — L’invention du ter­rain en Amérique française — Autour d’un legs cen­te­naire (1914–2014) ». Les actes du col­loque ont ensuite été pub­liés dans le treiz­ième vol­ume de la revue Rabas­ka.

 

L’anthropologue et folk­loriste Mar­ius Bar­beau est né à Sainte-Marie-de-Beauce en 1883. Son père était cul­ti­va­teur et maquignon, et sa mère, musi­ci­enne. Après son cours clas­sique au Col­lège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, il pour­suit des études de droit à l’U­ni­ver­sité Laval et devient avo­cat. Puis, grâce à la bourse Cecil-Rhodes, il a l’op­por­tu­nité de par­tir étudi­er à Oxford, en Angleterre. C’est à ce moment qu’il se tourne vers l’an­thro­polo­gie et qu’il entre­prend ses recherch­es sur les com­mu­nautés autochtones d’Amérique du Nord. Pen­dant les vacances d’été, il se rend à Paris et fréquente l’É­cole des hautes études en sci­ences sociales (EHESS), où il se lie d’ami­tié avec Mar­cel Mauss. De retour au Cana­da en 1911, il est employé à titre d’anthropologue par la Com­mis­sion géologique du Cana­da (qui devient le Musée nation­al du Cana­da à par­tir de 1927). Il con­serve ce poste jusqu’à sa retraite en 1948.

Gilbert Dumas dit Marin, pêcheur et chanteur de folk­lore dans son champ, l’Échouerie, Québec. Source : Mar­ius Bar­beau, 1918, Musée cana­di­en de l’histoire 43861.

Un événe­ment déter­mi­nant dans la car­rière de Mar­ius Bar­beau ain­si que pour le développe­ment de la dis­ci­pline au pays a lieu à New York en décem­bre 1913, lorsque celui-ci fait la ren­con­tre de Franz Boas. Anthro­po­logue améri­cain d’origine alle­mande, Boas l’interroge sur les con­tes et les chan­sons pop­u­laires des Français d’Amérique. Dès lors, Bar­beau, qui s’était jusque-là con­sacré à l’étude des cul­tures tra­di­tion­nelles autochtones, élar­git son ter­rain de recherche. Il devient le pre­mier à s’intéresser sci­en­tifique­ment à la lit­téra­ture orale et à la cul­ture matérielle du Cana­da français. Son tra­vail de ter­rain, auquel il con­sacrait jusqu’à cinq mois par année, lui a per­mis de recueil­lir tout au long de sa car­rière env­i­ron 13 000 chan­sons et plus de 300 con­tes pop­u­laires.

Au-delà de la con­sti­tu­tion et de l’étude de cet imposant cor­pus qui lui ont valu le statut de décou­vreur de l’oralité cana­di­enne-française, le legs de Mar­ius Bar­beau s’appuie aus­si sur le rôle qu’il accor­dait au ter­rain comme fonde­ment de sa démarche. À ses étu­di­ants, il enseignait l’importance de se pré­par­er avant le départ sur le ter­rain et la rigueur néces­saire à appli­quer lors de l’enquête. Cette approche demeure une car­ac­téris­tique de l’eth­nolo­gie enseignée et pra­tiquée aujour­d’hui. Auteur de plus de soix­ante ouvrages et d’une cen­taine d’articles des­tinés à des publics var­iés, Bar­beau a par­ticipé à une large dif­fu­sion des con­nais­sances sur le pat­ri­moine. Soulignons égale­ment son engage­ment dans le domaine con­nexe de la muséolo­gie et sa con­tri­bu­tion à la doc­u­men­ta­tion des tech­niques arti­sanales. En fait, Bar­beau a joué un rôle de pio­nnier sur le plan de la col­lecte, de la con­ser­va­tion, de l’étude, de l’enseignement, de la médi­a­tion et de la défense du pat­ri­moine au Cana­da.

Sci­en­tifique recon­nu et excel­lent ora­teur, Mar­ius Bar­beau était mem­bre de nom­breuses asso­ci­a­tions, comme l’Amer­i­can Folk­lore Soci­ety dont il a été le prési­dent et à l’intérieur de laque­lle il a fondé les sec­tions cana­di­ennes. Il a été élu mem­bre de la Société royale du Cana­da en 1916. Il a égale­ment con­tribué à la fon­da­tion de l’Académie cana­di­enne-française et de la Société his­torique du Cana­da. Dans les années 1940, il est pro­fesseur invité dans dif­férentes uni­ver­sités et devient pro­fesseur agrégé à l’U­ni­ver­sité Laval en 1945, for­mant ain­si de nom­breux jeunes chercheurs au tra­vail de ter­rain.

Au cours de sa car­rière pro­lifique, Bar­beau reçoit plusieurs dis­tinc­tions témoignant de la valeur de ses recherch­es et de son exper­tise. Par exem­ple, il obtient trois fois le prix David (aujourd’hui rem­placé par les Prix du Québec) pour ses ouvrages Indi­an Days in the Cana­di­an Rock­ies (Macmil­lan, 1923), The Down­fall of Tem­la­ham (Macmil­lan, 1928) et Saintes arti­sanes : I. Les brodeuses (Fides, 1944). On lui décerne la Médaille Léo-Parizeau de l’Association cana­di­enne-française pour l’avancement des sci­ences (ACFAS) ain­si que trois doc­tor­ats hon­ori­fiques (Uni­ver­sité de Mon­tréal, Uni­ver­sité Laval et Uni­ver­sité Oxford). En 1967, Bar­beau est nom­mé com­pagnon de l’Or­dre du Cana­da, la plus haute dis­tinc­tion civile au pays, pour sa con­tri­bu­tion excep­tion­nelle à l’é­tude du folk­lore et de l’an­thro­polo­gie. Il décède à Ottawa en 1969, lais­sant der­rière lui un héritage sci­en­tifique imposant.

Crédits
Rédac­tion : Lau­rence Provencher-St-Pierre
Révi­sion : Louise Décarie

Image à la une :  Mar­ius Bar­beau rédi­geant devant l’ange thu­riféraire sculp­té par Louis Jobin et acquis par Bar­beau en 1925 à la bou­tique de l’artiste de Sainte-Anne-de-Beaupré pour le Musée nation­al de l’homme.

 

Quelques références

Bar­beau, Mar­ius, « Con­tes pop­u­laires cana­di­ens », The Jour­nal of Amer­i­can Folko­re, vol. 29, no 111, jan­vi­er-mars 1916, 154 p.

Bar­beau, Mar­ius, « Con­tes pop­u­laires cana­di­ens. Sec­onde série », The Jour­nal of Amer­i­can Folko­re, vol. 30, no 115, jan­vi­er-mars 1917, 160 p.

Bar­beau, Mar­ius, Indi­an Days in the Cana­di­an Rock­ies, Toron­to, Macmil­lan, 1923, 208 p.

Bar­beau, Mar­ius, Totem Poles on the Gitk­san, Upper Skeena Riv­er, British Colum­bia, Ottawa, Nation­al Muse­um of Cana­da, Bul­letin no 61, 1929.

Bar­beau, Mar­ius, Saintes arti­sanes : I. Les brodeuses, Mon­tréal, Édi­tions Fides, « Cahiers d’art Arca » ii, [1944].

Bar­beau, Mar­ius, Saintes Arti­sanes : II. Mille petites adress­es, Mon­tréal, Édi­tions Fides, « Cahiers d’art Arca » iii, [1946], 157–16 p.

Bar­beau, Mar­ius, Romancero du Cana­da, Mon­tréal, Beau­chemin, 1937, 254 p.

Bar­beau, Mar­ius, Le rossig­nol y chante. Pre­mière par­tie du réper­toire de la chan­son folk­lorique française au Cana­da, Ottawa, Musée nation­al, « Bul­letin » 175, 1962, 485 p.

 

Pour aller plus loin

« Présence de Mar­ius Bar­beau », Rabas­ka, vol­ume 13, 2015. https://www.erudit.org/fr/revues/rabaska/2015-v13-rabaska02149/

Fer­ey, Vanes­sa. « Charles-Mar­ius Bar­beau et l’étude des col­lec­tions ethno­graphiques fran­co-améri­caines d’Europe de l’Ouest (1931–1956) », Rabas­ka, vol­ume 12, 2014, p. 89–107. https://www.erudit.org/fr/revues/rabaska/2014-v12-rabaska01535/1026785ar/

Lahoud, Pierre. « Bar­beau, le pho­tographe-enquê­teur », Rabas­ka, vol­ume 14, 2016, p. 65–78. https://www.erudit.org/fr/revues/rabaska/2016-v14-rabaska02663/1037448ar.pdf

Un commentaire

  1. Mer­ci pour cet arti­cle fort intéres­sant.
    -
    Con­cer­nant Bar­beau, je sou­tiens qu’il serait de mise que l’on remette les pen­d­ules à l’heure en ce qui con­cerne les accu­sa­tions du vol d’un totem autochtone de la nation Nisga’a de la Colom­bie Bri­tan­nique, récem­ment ramené au bercail, qui aurait été volé par Bar­beau et ven­du en Écosse. Il sem­ble qu’il faudrait apporter quelques nuances à pro­pos de l’ethnographe qui se serait tiré avec « le mat sous le bras », comme le dis­ait humoris­tique­ment un col­lège. Accuser le père de l’ethnologie québé­coise de ce larcin, sans en expli­quer ni le con­texte, ni fournir de preuves probantes, relève quelque peu du salis­sage de mémoire et, mine de rien, à un autre « Québec Bash­ing »…

    Arti­cles en référence : 1) https://www.journaldemontreal.com/2022/08/20/rapatriement-dun-totem-vole-une-delegation-autochtone-se-rend-en-ecosse‑1
    2) https://www.lapresse.ca/actualites/2023–08-28/vole-en-1929/un-totem-de-retour-au-canada-apres-avoir-ete-expose-en-ecosse.php

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