Carmen Roy (1919–2006)

Partager:
Carmen Roy, 26 septembre 1957, Fonds Champlain Marcil, BANQ Gatineau, P174,S1,D12454

Le 12 mars 2024

Ce por­trait est tiré de celui pré­paré par Dominique Sarny inti­t­ulé « Car­men Roy (1919–2006) » et pub­lié ini­tiale­ment dans Rabas­ka, vol. 4, 2006, p. 95–98.

 

La folk­loriste et spé­cial­iste de la lit­téra­ture orale gaspési­enne, Car­men Roy, a mené une car­rière de près de trente ans au Musée nation­al de l’Homme à Ottawa (aujourd’hui le Musée cana­di­en de l’histoire). Celle qui était respectueuse­ment appelée « Mlle Roy » était décrite comme une femme d’action et une bonne vivante. Elle était recon­nue comme étant énergique, pas­sion­née, rigoureuse et déter­minée. Au cours des ans, elle grav­it les éch­e­lons et occupe dif­férents postes de direc­tion et de recherche. Son tra­vail a con­tribué au développe­ment, au sein de cette insti­tu­tion nationale, d’une eth­nolo­gie plus inclu­sive ten­ant compte des trans­for­ma­tions sociales et cul­turelles des pra­tiques tra­di­tion­nelles cana­di­ennes.

Née à Bonaven­ture, en Gaspésie, le 25 décem­bre 1919, Car­men Roy obtient d’abord un bac­calau­réat en let­tres du Col­lège Mar­guerite-Bour­geois de Mon­tréal en 1942. Puis, en 1947, elle fréquente l’Université Laval. Elle y fait alors la ren­con­tre de Mar­ius Bar­beau et de Luc Lacour­cière qui l’initient aux études de folk­lore. Rapi­de­ment, Bar­beau la remar­que et en fait sa col­lab­o­ra­trice. L’année suiv­ante, grâce à son appui, elle obtient un con­trat d’attachée de recherche au Musée nation­al d’Ottawa.

Engagée dans la recherche de ter­rain, elle com­plète ensuite une maîtrise (1951) et un doc­tor­at (1953) en eth­nolo­gie à l’Université de Paris. Dirigée par l’ethnologue français Mar­cel Gri­aule, ses recherch­es por­tent sur la lit­téra­ture orale gaspési­enne. Elle pub­lie d’ailleurs Con­tes pop­u­laires gaspésiens en 1952 et La lit­téra­ture orale en Gaspésie en 1955. Ce dernier est un ouvrage encore aujourd’hui cité comme référence sur le sujet.

Carmen Roy, 26 septembre 1957, Fonds Champlain Marcil, BANQ Gatineau, P174,S1,D12454
Car­men Roy, 26 sep­tem­bre 1957. Fonds Cham­plain Mar­cil, BANQ Gatineau, P174,S1,D12454

En 1957, Car­men Roy est nom­mée chef de la Sec­tion folk­lore de la Divi­sion de l’ethnologie du Musée nation­al. Elle milite alors pour la recon­nais­sance du folk­lore comme une dis­ci­pline à part entière à l’intérieur du Musée. Pen­dant les années sous sa direc­tion, la Sec­tion s’enrichit de nou­veaux col­lab­o­ra­teurs et les archives sont classées. De plus, elle élar­git le champ de la recherche afin d’y inté­gr­er l’ensemble des groupes minori­taires cana­di­ens (à l’exception des Pre­mières nations qui relèvent d’une autre sec­tion). Car­men Roy prône alors une démarche eth­nologique qui cherche à doc­u­menter les pra­tiques de la société tra­di­tion­nelle tout en ten­ant compte de la diver­sité des com­mu­nautés cul­turelles sur le ter­ri­toire cana­di­en, de l’apport de cha­cune et de leurs trans­for­ma­tions. Cette vision avant-gardiste recon­nais­sant la diver­sité cul­turelle de la société cana­di­enne devançait la poli­tique sur le mul­ti­cul­tur­al­isme cana­di­en qui est mise de l’avant par Pierre Elliot Trudeau dans les années suiv­antes.

En 1966, la Divi­sion de folk­lore est créée et Car­men Roy y occupe le poste de direc­trice. Puis, elle fonde en 1970, tou­jours à l’intérieur du Musée nation­al de l’Homme, le Cen­tre cana­di­en d’études sur la cul­ture tra­di­tion­nelle. Elle dirige le Cen­tre jusqu’en 1977, alors qu’elle est nom­mée déléguée sci­en­tifique du Musée. Par ce poste, qui relève directe­ment de la Direc­tion générale, Car­men Roy se dégage des respon­s­abil­ités admin­is­tra­tives qu’elle occu­pait depuis vingt ans et peut se con­sacr­er davan­tage à la recherche. Elle pub­lie d’ailleurs une édi­tion revue et aug­men­tée de son ouvrage Lit­téra­ture orale en Gaspésie en 1981. L’année suiv­ante, l’Association cana­di­enne pour les études de folk­lore lui décerne le titre de « Folk­loriste cana­di­enne de dis­tinc­tion ». Car­men Roy prend offi­cielle­ment sa retraite en 1984. Néan­moins, elle con­tin­ue d’occuper un bureau au Musée jusqu’en 1992. Elle décède à Ottawa, le 9 avril 2006. Elle avait 86 ans.

La per­son­nal­ité, l’érudition et les qual­ités de Car­men Roy ont con­tribué à faire d’elle une eth­no­logue d’exception dans un monde dis­ci­plinaire et insti­tu­tion­nel dom­iné par des hommes. Vision­naire et auda­cieuse, son apport à la dis­ci­pline est trop peu recon­nu, peut-être juste­ment parce qu’elle était une femme et qu’elle a tra­vail­lé toute sa vie hors les murs de l’université, dans une insti­tu­tion – fédérale de sur­croît. Elle a ouvert l’ethnologie québé­coise ou cana­di­enne-française à l’interdisciplinarité et à la prise en compte de la diver­sité cul­turelle.

 

Crédits

Rédac­tion : Lau­rence Provencher-St-Pierre
Révi­sion : Louise Décarie

 

Image à la une : Car­men Roy, 26 sep­tem­bre 1957, Fonds Cham­plain Mar­cil, BANQ Gatineau, P174,S1,D12454

 

Quelques références

Roy, Car­men, Con­tes pop­u­laires gaspésiens, Mon­tréal, Fides, 1952.

Roy, Car­men, Saint-Pierre et Miquelon : une mis­sion folk­lorique aux îles, Ottawa, Musée nation­al du Cana­da, 1962.

Roy, Car­men, La lit­téra­ture orale en Gaspésie, Ottawa, Musée nation­al du Cana­da, 1955.

Roy, Car­men, La lit­téra­ture orale en Gaspésie, Mon­tréal, Leméac, 1981.

Roy, Car­men, « Quel était l’avenir du folk­lore », Folk­lore. Bul­letin de l’As­so­ci­a­tion cana­di­enne pour les études de folk­lore, vol. 6, nos 3–4, 1982, p. 9–14.

 

Pour aller plus loin

Sarny, Dominique, « Car­men Roy (1919–2006) », Rabas­ka, vol. 4, 2006, p. 95–98. https://www.erudit.org/fr/revues/rabaska/2006-v4-rabaska3646/201766ar.pdf

Sarny, Dominique, « À la recherche de la tra­di­tion véridique : le secret inavoué d’un ter­rain avorté à Saint-Brieux (Saskatchewan) », Rabas­ka, vol­ume 9, 2011, p. 91–102. https://www.erudit.org/fr/revues/rabaska/2011-v9-rabaska1819335/1005895ar/

2 commentaires

  1. Le livre « Con­tes pop­u­laires gaspésiens » a mar­qué notre enfance dans notre petite mai­son de Cap des Rosiers en Gaspésie. L’aîné d’une nom­breuse famille, je rassem­blais mes sœurs et frères dans la cui­sine éclairée à la lampe à l’huile pen­dant que maman et papa allait faire un petit tour le soir chez un voisin pour écouter Séraphin. Je leur lisais les divers con­tes du livre de Car­men Roy. Encore aujourd’hui, dans nos réu­nions de famille, Jean De L’Ours remonte à la sur­face de nos beaux sou­venirs de ces féeriques veil­lées enfan­tines. Au cours des années, nous avons recher­ché ce livre mais il sem­ble introu­vable. Quel cadeau ce serait de le retrou­ver!!!
    Mer­ci mille fois à Car­men Roy d’avoir créé pour nous, enfants per­dus au bout de tout, un monde imag­i­naire qui a su charmer et adoucir nos soirées de soli­tude.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.